NAISSANCE DE LA SOCIOLINGUISTIQUE

NAISSANCE DE LA SOCIOLINGUISTIQUE

NAISSANCE DE LA SOCIOLINGUISTIQUE 


LE CONTEXTE HISTORIQUE


A l’inverse des linguistes, les sociologues préfèrent rattacher l’évolution de la sociolinguistique à des nécessités sociales qu’à des impératifs épistémologiques. Ainsi, l’apparition de cette nouvelle branche de la linguistique, dans les pays anglo-saxons et en France, à des périodes différentes, est une réponse aux interrogations des linguistes, liée au contexte politique et social. Aux Etats Unis, son apparition est liée à la redécouverte de la pauvreté frappant surtout les minorités.

Dans les années 1960-1970, un déficit budgétaire s’aggrave car les dépenses ne suivent pas les prévisions. Par ailleurs, la seconde guerre du Vietnam, les deux chocs pétroliers accentue la poussée inflationniste, un ralentissement de la croissance, la hausse des prix, tous ces facteurs entraînent une aggravation du chômage qui frappe surtout les minorités linguistiques. Pour remédier à des problèmes que l’on rencontre à l’école, pour aider ces minorités (noirs, portoricains, indiens) à s’intégrer, des spécialistes : sociologues, psychologues…vont effectuer des recherches. « On redécouvre que le langage joue un rôle important dans la différenciation sociale, comme en témoignent les problèmes scolaires des enfants des milieux défavorisés.

Le gouvernement fédéral lance une politique sociale visant à l’intégration scolaire des minorités linguistiques. Un grand nombre de chercheurs dont Labov, Hymes, Fishman, se fixent comme un de leurs objectifs d’aider à résoudre ces problèmes. Ainsi Labov consacre-t-il plusieurs articles aux causes de l’échec des enfants noirs dans l’apprentissage de la lecture, Hymes entend examiner non seulement les outils linguistiques et la structure sociale ; Fishman se penche sur les problèmes de contact de langue.

Tous les trois constatent que la linguistique structurale et générative se trouve impuissante à traiter la question que pose pour l’école l’apprentissage de la norme linguistique. Pour eux, la différenciation linguistique est inséparable du pluralisme culturel dont toute société est témoin, et le langage est investi de valeurs économiques et sociales »( Christian Baylon p16). En France , les préoccupations d’ordre sociologique ont été mises à l’écart par le prestige d’un structuralisme à sujet réduit et le succès de la grammaire de Chomsky qui proposait un modèle éliminant le fonctionnement pragmatique du langage.

Grâce aux travaux de recherches anglo-saxons, la réflexion sur le langage en tant que pratique sociale va être renouvelée et la linguistique française sera obsédée à partir du XIX siècle par le problème des rapports de la langue et des mouvements sociaux.

De nombreux travaux vont apparaître : Ducrot fait connaître ses recherches sur les actes de parole, JB. Marcellesie et Gardin se sont fait largement l’écho des idées de Labov. Ces préoccupations sont liées dans les années 1975-1985, période où les conditions socio-économiques se transforment : société en crise, chômage, poussée nationaliste-sécuritaire, xénophobie et problèmes de l’intégration car la société française contemporaine est caractérisée par la confrontation d’imaginaires sociaux : jaillissement de des différences, affirmation des minorités à la recherche de valeurs neuves : les immigrés, les chômeurs, les minorités culturelles s’opposeraient aux français.


A- CRISE DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE


Elle présente des étapes qui se manifeste par des écoles : Le structuralisme, le distributionnalisme, le fonctionnalisme.

Elle s’est développée en isolant dans la totalité du langage un objet censé être homogène, la langue en l’étudiant indépendamment de ses réalisations à l’ensemble de la réalité extralinguistique et elle a mis en place un ensemble de concepts méthodologiques et descriptifs.

Cet ensemble de concepts, cette méthodologie rigoureuse a permis le développement d’une linguistique descriptive structurale synchronique centrée sur la phonologie, la syntaxe, la fonction des éléments et leur distribution.

La grammaire générative reprend de façon systématique le projet d’une grammaire universelle, elle réhabilite le sujet parlant mais idéal et tout en reprenant les concepts établis par les structuralistes, n’élucident pas pour autant le rapport entre langue et société. En effet, de nombreux reproches ont été prodigués contre la linguistique structurale, F. François parle de crise de la linguistique, Marcellesie affirme qu’elle est incapable d’intégrer de manière satisfaisante la variation et de répondre aux questions de la place et du rôle des phénomènes langagiers dans la société (Pensée n 209, Janvier 1980, p.4) d’où la remise en cause de certains concepts.


B-LES CONCEPTS SAUSSURIENS ET LEUR REMISE EN CAUSE. 


-La langue
-Le signe linguistique
-La communication

Ouvrir le débat fondamental sur la nature sociale du langage signifie une remise en cause d’un certain nombre de concepts relatifs à la linguistique structurale et à la grammaire générative qui d’une certaine manière ont répondu à leur manière à la question fondamentale du rapport entre langage et société, la place qu’y occupe cette problématique, sa pertinence, les réponses qui y sont apportées.
En effet, on sait le rôle fondateur qu’a joué, en Europe tout au moins,

Le cours de linguistique générale de Ferdinand De Saussure, publié pour la première fois en 1916. Depuis, la recherche en linguistique, comme dans les autres sciences de l’homme et de la société, s’est diversifiée, d’un point de vue géographique autant que théorique, voire atomisée. Il convient de souligner cependant que les deux dernières décennies ont vu progressivement émerger un ensemble d’hypothèses et de pratiques qu’on range volontiers sous l’étiquette de linguistique de la parole ou sociolinguistique, et qui s’opposent, d’un point de vue épistémologique à la linguistique de la langue, du système, pour reprendre la distinction Saussurienne entre langue ( savoir collectif, social, organisé en système) et parole (ensemble des productions individuelles, des réalisations linguistiques concrètes).

Donc la sociolinguistique est bien une linguistique de la parole, c’est-à-dire une linguistique qui, sans négliger les acquis de l’approche structuraliste des phénomènes langagiers, situe son objet dans l’ordre du social et du quotidien, du privé et du politique, de l’action et de l’interaction, pour étudier aussi bien les variations dans l’usage des mots que les rituels de conversation, les situations de communication que les institutions de la langue, les pratiques singulières de langage que les phénomènes collectifs liés au plurilinguisme.

La langue chez Saussure 


Rappelons tout d’abord la démarche de Saussure lorsque celui-ci constitue l’objet de la linguistique : la langue « Pour trouver dans l’ensemble du langage la sphère qui correspond à la langue, il faut se placer devant l’acte individuel qui permet de reconstituer le circuit de la parole ».(p.27).

Cependant si cet acte de communication est déjà social (deux participants), cette socialisation est bien pauvre face à la réalité de l’interaction linguistique réelle. De toute manière l’acte sera encore simplifié, Saussure ne s’intéresse qu’à l’auditeur. Pour expliquer ce phénomène individuel, Saussure passe à un autre niveau. « La langue n’est pas une fonction du sujet parlant, elle est le produit que l’individu enregistre passivement »(p.30), « elle est la partie sociale du langage, extérieure à l’individu par son pouvoir coercitif : elle est le produit que l’individu enregistre passivement (p. 30), « et il ne peut à lui seul ni la créer ni la modifier » (p.31)

La langue a donc une double caractéristique : 

-Une existence extérieure à l’individu, au niveau de la psychologie collective »dans les cerveaux d’un ensemble d’individus, car la langue n’est complète dans aucun, elle n’existe parfaitement que dans la masse »(p30) -Une intériorisation pour chaque individu : « quelque chose qui est dans chacun d’eux tout en étant commun à tous et placé en dehors de la volonté des dépositaires »(p.38) On peut dire qu’à ce niveau d’analyse, Saussure arrache la langue à l’étude des faits de nature en la rattachant à la sociologie : « la langue est classable parmi les faits humains tandis que le langage ne l’est pas… ». « Pour savoir dans quelle mesure une chose est une réalité, il faudra et il suffira de rechercher dans quelle mesure elle existe pour la conscience des sujets » (p.128)

La langue n’est pas seulement une représentation collective, elle est une véritable institution sociale, système de signes exprimant des idées. Elle est comparable de ce point de vue aux autres systèmes de signes et relève de la sémiologie, « science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale, et formerait une partie de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale »( CLG, p.33) Tel est le point extrême de la réduction de la linguistique à la sociologie atteint par Saussure.

Or la sociolinguistique considère que l’objet de son étude ne doit pas être simplement la langue, système de signes, ou la compétence, système de règles. L’opposition langue/parole ou compétence/performance implique que dans le champ d’investigation du linguiste, seule la langue (ou la compétence) constitue un système fermé. Il faut donc dépasser cette opposition car elle fournit un cadre trop étroit pour l’étude de problèmes linguistiques importants comme l’utilisation du langage dans son contexte socioculturel.

Pour ce faire certains linguistes, constatant le caractère systématique de certains faits linguistiques situés en dehors de la compétence telle que la définit Chomsky, essayent d’élargir cette notion de compétence pour qu’elle recouvre des faits que Chomsky attribue à la performance. Ainsi Hymes, dès 1972, développe le concept de compétence de communication : pour communiquer, il ne suffit pas de connaître la langue, le système linguistique ; il faut également savoir comment s’en servir en fonction du contexte social.


CONCLUSION


On peut donc conclure que la sociolinguistique est née à partir de l’existence de deux facteurs concomitants : -un état de connaissances : mise en question des grammaires formelles, réintégration des données sémantiques, appel à l’interaction sociale comme donnée de la communication. -un état de fait : existence de problèmes linguistiques qui intéressent la vie sociale de certaines communautés. C’est cette dualité radicale du langage, à la fois intégralement formel et intégralement traversé par des enjeux subjectifs et sociaux qui fait l’objet de la sociolinguistique.