Les littératures dites « francophones »

Les littératures dites « francophones »

Les littératures dites « francophones »


« La seule accumulation légitime, pour l’auteur comme pour le
critique, le marchand de tableaux comme l’éditeur ou le directeur de
théâtre, consiste à se faire un nom, un nom connu et reconnu, capital
de consécration impliquant un pouvoir de consacrer des objets ou des
personnes, donc de donner valeur, et de tirer les profits de cette
opération. »
P. Bourdieu : Les règles de l’art, p. 246

Les tentatives de définitions des littératures dites francophones sont nombreuses, complémentaires, parfois contradictoires. Que renferme cette catégorie et à quel domaine renvoie-t-elle ? Comment s’effectue le classement des oeuvres francophones dans l’imaginaire national hexagonal ?

Si l’épithète francophone, dans son usage courant, renvoie au fait de « parler français », quelle valeur, quel sens revêt cet adjectif dans l’appellation littératures francophones ? A quel cadre spatio-temporel réfèrent ces littératures ? Comment faut-il considérer le qualificatif « francophone » : a-t-il une dimension littéraire ou dissimule-t-il un substrat de paternalisme ? Le classement communément admis dans les milieux universitaires français ainsi que dans les librairies, littérature française vs littératures francophones, accentue la différence entre les deux catégories, créant de fait un centre et une périphérie, ce qui est littéraire et ce qui ne semblerait pas l’être. Mais sur quels critères les « classeurs » classent-ils ces œuvres ? Tout classement n’implique-t-il pas hiérarchisation ? Qu’est-ce qui, dans l’approche de ces écrivains, dont le français est langue d’écriture et non langue de leur nation, est pris en compte ?

Y a-t-il eu une distinction dans le champ littéraire depuis ce que l’on a appelé au départ les « littératures émergentes », la littérature « maghrébine », « négro-africaine », « africaine » de « langue »/d’ « expression » française ? Et récemment, depuis les années 1980, comment expliquer le glissement sémantique et idéologique vers l’étiquette plus globalisante de « littérature francophone », « francophonie littéraire », alliant même la francophonie et le post-colonial » ?

Tout classement part d’abord d’une définition et, comme l’a montré Bourdieu à propos de la genèse et de la structure du « champ» littéraire chez Flaubert, toute définition instaure des « frontières » et implique en conséquence une hiérarchisation dans le classement des genres, des auteurs, des œuvres. « Les différentes positions de l’espace hiérarchisé du champ de production (galeries, maisons d’édition, théâtre) correspondent à des goûts socialement hiérarchisés. » (Bourdieu, 1998 : 267).
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