Les littératures francophones : des mythes de tous horizons

Les littératures francophones : des mythes de tous horizons

Les littératures francophones : des mythes de tous horizons


Chaque région du monde mériterait que l’on s’intéresse à sa mythologie et à la manière dont la littérature se l’est appropriée… Découvrir les littératures francophones, c’est aussi découvrir des mythes d’horizons très divers. Voici quelques exemples.


Mythes littéraires du Maghreb et du Machrek


Dans les littératures d’Afrique du Nord, on trouve des références aussi bien aux :

▪▪ mythes gréco-romains : Antigone dans Loin de Médine d’Assia Djebar (1936-), 1991 ;
▪▪ berbères : la reine guerrière berbère La Kahena chez Kateb Yacine, Tahar Djaout (1954-1993), Gisèle Halimi (1927-) ou Nabile Farès (1940-) ;
▪▪ européens : Don Quichotte dans Le désert sans détour de Mohamed Dib (1920-2003), 1992 ;
▪▪ persans : Simorgh de Mohamed Dib, 2003 ;
▪▪ égyptiens : Nefertiti et le rêve d’Akhénaton d’Andrée Chédid (1920-2011), 1974.


Mythes littéraires antillais


Les littératures antillaises font elles aussi référence à des mythes de tous horizons. Ainsi dans La tragédie du roi Christophe (1963), Césaire associe le roi Christophe à la figure du dieu yoruba Shango, tandis que dans sa pièce Une saison au Congo (1966), il fait de la figure de Lumumba une sorte de Prométhée. Maryse Condé, elle, s’inspire du mythe de Frankenstein dans Célanire cou-coupé, (2005). Le mythe créole de la jarre d’or inspire Patrick Chamoiseau (1953-) dans Chronique des sept misères, 1986 puis Raphaël Confiant (1953-) pour son roman La jarre d’or (2010). Chamoiseau, qui s’inspire beaucoup des mythes, a également écrit une pièce de théâtre intitulée Manman Dlo contre la fée carabosse (1981) (Manman Dlo est une sorte de sirène ou déesse aquatique qui fait chavirer les navires, elle est un peu l’équivalent de Mami Wata en Afrique de l’Ouest). Il fait également largement référence à l’univers biblique dans Texaco (1992) et dans Biblique des derniers
gestes (2002) et a réécrit le mythe de Robinson Crusoé dans L’empreinte à Crusoé, 2012.


Un mythe peul : le crapaud


Dans son premier roman, Les crapauds-brousse (1979), l’écrivain guinéen Tierno Monenembo (1947-) fait référence à un mythe peul selon lequel à l’origine, la créature préférée de Dieu, celle qui aurait dû incarner la perfection physique et spirituelle, aurait été le crapaud. Mais suite à une faute, celui-ci aurait été condamné à la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. En même temps, le crapaud garderait encore aujourd’hui un grand potentiel de sagesse. Ce mythe permet à l’auteur de s’interroger sur les intellectuels africains contemporains qui seraient peut-être eux aussi restés bloqués dans une forme qui n’aurait pas dû être la leur.


Un mythe baoulé (Côte d’Ivoire) : la Reine Pokou


La Reine Abla Pokou, est la fondatrice du peuple baoulé. Elle aurait en effet guidé son peuple vers l’actuelle Côte d’Ivoire et aurait pour cela même accepté le sacrifice de son fils unique (baoulé signifie « l’enfant est mort »). Ce mythe est évoqué par Bernard Dadié (1916-) dans Légendes africaines (1954), par Tanella Boni (1954-) dans Les baigneurs du lac rose (2002), ainsi que par Véronique Tadjo (1955-) dans Reine Pokou, concerto pour un sacrifice (2005). Dans ce roman, l’auteure ouvre de nombreuses pistes d’interprétation et en profite pour interroger le rôle du mythe dans les conflits armés du pays (autour de la


Un mythe acadien : Évangeline


L’Acadie est une région du Canada qui fut d’abord une colonie française (et qui ne fait pas partie du Québec). Au xviiie siècle les Anglais s’en emparent et font déporter une grande partie de ses habitants. Cet épisode dramatique a profondément marqué les imaginaires et a donné naissance à un mythe littéraire, celui d’Évangéline. Évangeline et Gabriel sont deux amants séparés au moment de la déportation des Acadiens. Au terme d’une vie de périples et de pérégrinations, Évangeline retrouve son amant à Philadelphie mais seulement pour le voir mourir dans ses bras. Ce mythe a inspiré des metteurs en scène, des chanteurs, des réalisateurs et des écrivains. Ainsi Antonine Maillet (1929-) a publié en 1976, une pièce de théâtre intitulée Évangeline deusse, dans laquelle elle fait de son héroïne un symbole des identités qui résistent à toutes les migrations, même si elle lui confère par ailleurs une énergie et un franc-parler bien éloignés de la tradition…
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