Le rapport entre (Mythe) et (Littérature)

le rapport entre Mythe et Littérature


Le rapport entre Mythe et Littérature.


 Dans cette première période la question concernant le rapport  Mythe- Littérature, Oralité- Écriture commence à se poser. Si auparavant, on considérait principalement la Littérature une source d’informations pour comprendre le Mythe, maintenant on s’interroge sur leur relation profonde.

Un des  premiers pionniers dans ce type d’études est André Jolles (1874-1946), qui en Einfache Formen   définit le mythe une forme simple, antérieure au langage écrit, mais capable de s’actualiser par lui et par le texte littéraire. Les formes simples sont pour Jolles une sorte de puissance agissante à l’origine de chaque œuvre littéraire, « qui se produisent dans le langage et qui procèdent d’un travail du langage lui-même ». « La forme simple’ du mythe est constituée par le jeu de la question et de la réponse. La question, à peine posée, trouve sa réponse, ''et cette réponse est telle qu’on ne peut plus poser d’autre question, que la question s’annule à l’instant où elle se pose ; cette réponse est décisive" » .

Dans cette perspective, il y a donc une continuité entre Mythe et Littérature : la Littérature est la plénitude définitive de la forme simple Mythe. En cette phase du cheminement qui mènera à l’élaboration de l’idée de mythe littéraire, il y a encore un équilibre dans la considération du rapport Mythe- Littérature, mais cet équilibre n’était pas destiné à durer. En vérité, déjà  Propp dans Morfologija e skazki . Transformacii volshebnykh skazok  avait mis en évidence une certaine différence entre le Mythe et la Littérature.

En distinguant  mythes des peuples primitives et mythes de l’antiquité gréco- romaine, il affirme : « Nous n’avons pas appris les mythes de ces peuples [c’est-à-dire des peuples grecs et romains, mais aussi des babyloniens, des égyptiens, des chinois et des indiens] directement de la part de leur créateurs, qui appartenaient aux classes inférieures  de la société, mais nous les connaissons dans l’interprétation donnée par la littérature.

Nous les connaissons à travers Homère, les tragédies de Sophocle, les œuvres de Virgile, d’Ovide etc.…Nous reconnaîtrons  à ces mythes un authentique caractère populaire, mais nous devons savoir que nous ne les avons pas dans une forme pure et que il n’est pas possible de les comparer aux registrations des  matériaux folklorique appris par la voix même du peuple. La situation est presque qu’identique pour les mythes égyptiens. Ces mythes aussi nous sont parvenus en rédactions de seconde main. […] Nous devons distinguer donc entre les mythes des formations précédentes aux luttes des classes, que on peut considérer source directe, et mythes transmis de la part de les classes dominantes des anciens Etats civilisés qui peuvent faire fonction de preuve indirecte de l’existence de certaines idées chez les peuples auxquels ces mythes se rapportent ».
     
Vers  la fin des années ’30,  Denis de Rougemont introduit une contraposition entre Mythe et Littérature, qui on retrouvera après chez plusieurs  théoriciens.  Si le mythe est par soi-même « une histoire, une fable symbolique,   […] résumant un nombre infini de situations plus ou moins analogues » et permet de « saisir d’un coup d’œil certains types de relations constantes, et de les dégager du fouillis des apparences quotidiennes  », la littérature qui le reprend n’est qu’une image confuse, une première dégradation : «  Lorsque les mythes perdent leur caractère ésotérique  et leur fonction sacrée, ils se résolvent en littérature  ».  Seulement une année plus tard, R. M. Guastalla dans Le Mythe et le livre : essai sur l’origine de la littérature  affirme l’impossibilité de créer des mythes nouveaux dès le moment que le livre a succédé au mythe et la cité cosmopolitique à la société homogène de la polis. Guastalla  pense en fait  que  ce passage a  appauvri les hommes en détruisant les anciennes formes de vie (les rituels avec leurs mythes).

Wellek et Warren en Theory of Literature  remarquent aussi une distance entre le Mythe, partie orale du rituel, social, anonyme et communautaire,  et Littérature qui s’intéresse seulement à quelques aspects du mythe (la narration, la représentation symbolique, etc.)

Pendant les années ’60, Gilbert Durand, père de la tendance critique connue
comme ‘mythocritique’, estime encore que «  la littérature, et spécialement [le] récit romanesque » est « un département du mythe » . Toutefois, il n’exclue pas que le texte d’une œuvre littéraire puisse devenir langage sacré restaurateur et instaurateur de la réalité primordiale qui constitue un mythe spécifique .

G. Dumézil aussi, en Mythe et Épopée I, pose une distinction significative entre le mythe et celle qu’il définit sa carrière littéraire : « Certes, dans ces sociétés archaïques, la mythologie était fort importante et c’est surtout de textes mythologiques que l’on dispose. Mais le mythe ne se laisse pas comprendre si on le coupe de la vie des hommes qui les racontent. Bien qu’appelés tôt ou tard – très tôt, parfois, comme en Grèce- à une carrière littéraire propre, ils ne sont pas des inventions dramatiques ou lyriques gratuites, sans rapport avec l’organisation sociale ou politique, avec le rituel, avec la loi ou la costume  ».

En outre, comme Dumézil dira plus tard en Du mythe au roman , reconstituer un mythe en partant de sa carrière littéraire est difficile parce que ici « la narration est devenue une fin en soi ».  C. Lévi-Strauss est encore plus radical : il juge la littérature vraiment une dégradation du mythe, « dernier murmure de la structure expirante »  où on peut cerner seulement des épaves isolés et à ce propos, dans L’origine des matières de table , il affirme par rapport au roman : « non seulement il est né de l’exténuation du mythe, mais il se réduit à une poursuite exténuante de la structure en deçà d’un devenir qu’il épie au plus près sans pouvoir retrouver dedans ou dehors le secret d’une fraîcheur ancienne, sauf peut-être en quelques refuges où la création mythique reste encore vigoureuse, mais alors et contrairement au roman, à son insu ».   

En Mythe et Société en Grèce ancienne  J. P. Vernant associe, d’une part, Mythe et Oralité, de l’autre, Logos et Écriture. La littérature est lié à l’écriture, au logos et, même quand celle–ci reprend le mythe, elle, n’est qu’un département ou une distorsion de celui–ci, parce qu’elle résulte « une relecture faite à partir de normes externes à la pensée mythique » , de normes qui affèrent au logos. Selon Vernant, en se transformant en littérature, le mythe perd,  en outre, « son mystère et sa suggestion »  car dans l’œuvre écrite se révèlent les traits spécifiquement littéraires du texte, qui se diversifient selon les genres, le public, les règles formelles et les intentions esthétiques  . Ensuite, on ne doit pas oublier la maîtrise exercée sur le mythe par une personnalité singulière qui le transforme, comme Sophocle a fait avec le mythe d’ Œdipe, en un texte élaboré possédant  son sens et sa finalité propre .

Par conséquent, il y a une fracture irrémédiable entre Mythe et Logos et  entre Mythe et Littérature.

Jusqu’ environ à la fin des années ’60, la relation qui subsiste entre Mythe et Littérature est donc lue au désavantage de la Littérature : cette dernière est, en fait, considéré un éloignement, une dégradation du mythe. Cela est peut-être du au fait qu’on soit encore trop concentré sur le sens de  Mythe comme « tradition sacrée, révélation primordiale, modèle exemplaire  »   familier surtout aux ethnologues, aux sociologues et aux historiens des religions. Toutefois, cette  première phase de notre parcours est très important pour l’élaboration de l’idée de mythe littéraire, parce que s’ ouvre la recherche sur la fonction du mythe en Littérature, et la Littérature est prise en considération pour soi- même, pas seulement comme une source d’informations pour comprendre le Mythe.

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