Histoire littéraire du mythe

Histoire littéraire du mythe

Histoire littéraire du mythe 


Le mythe permet d’interroger les valeurs d’une communauté, ce qui la fonde. On comprend alors que son utilisation varie selon les lieux et les époques. On se contentera de donner quelques points de repère.


Moyen Âge Xe--XVe siècles


Les références à certains mythes de l’antiquité gréco-romaine (mythe de Troie, mythe d’Alexandre le Grand…) peuvent être présentes mais laissent néanmoins surtout la place à des mythes chrétiens ou à des légendes d’inspiration celte (par exemple mythe de la quête du Graal et légende arthurienne).


Renaissance XVe--XVIe siècles


Cett e époque est marquée par la redécouverte de l’Antiquité et la littérature fait une large place aux mythes gréco-latins. Les poètes de La Pléiade (Ronsard, Du Bellay…) appellent à un renouvellement de l’art poéti que par la référence à l’Antique. Ainsi dans Les regrets (1558), Du Bellay s’inspire-t-il du mythe d’Ulysse, tandis que son recueil Les Antiquités de Rome (1558) est nourri du mythe de la Gigantomachie (combat entre les Géants).


XVIIe siècle


Recours très importants aux mythes antiques mais aussi chrétiens. C’est par ailleurs à cette époque que le mythe de Dom Juan trouve véritablement sa place dans la littérature française.

▪▪ Le mouvement du Baroque qui se caractérise notamment par un goût pour le burlesque donnera ainsi naissance à des réécritures parodiques de mythes antiques (Scarron, Le Virgile travesti, 1648-1653 : parodie de L’Enéide).

▪▪ Molière créé la pièce Dom Juan ou le Festin de Pierre en 1665 et consacre ainsi l’entrée de ce mythe dans la littérature française où il connaîtra une importante postérité (à l’origine, ce mythe est certainement né d’une légende médiévale et il a connu un certain nombre d’interprétations avant celle de Molière – y compris en France).

▪▪ Le théâtre classique, qui s’inspire du théâtre antique, en reprend bien souvent les thèmes. Ainsi, un grand nombre des pièces de Racine (1639-1699) sont-elles inspirées de mythes antiques gréco romains : Andromaque (1667), Iphigénie (1674), Phèdre (1677). L’autre grand dramaturge de l’époque, Pierre Corneille (1606-1684) – qui oscille entre baroque et classique selon les pièces publie, lui, Médée (1635), Andromède (1650) ou OEdipe (1659). Toutefois Corneille s’inspire également d’autres mythes (celui d’Attila dans une pièce de 1667 ou de Cléopâtre dans Rodogune, 1645).


XVIIIe siècle


Avec l’expansion coloniale et la traduction en français des Mille et une nuits par Antoine Galland naît un intérêt pour les mythes orientaux (L’oiseau blanc : conte bleu, Diderot, 1747), tandis que les écrits de Rousseau consacrent le mythe du « bon sauvage » déjà présent chez Montaigne, (« Des cannibales » dans Les Essais, fin xvie siècle) ou chez Jacques Cartier (Voyages au Canada, 1534-1545).


XIXe siècle


L’influence du romantisme européen remet au goût du jour l’univers médiéval et ses mythes. Ainsi Victor Hugo (1802-1885) dans La Légende des siècles (1859-1883) met en scène les figures héroïques de Roland et de Charlemagne. En même temps, le siècle est marqué par l’orientalisme et un intérêt pour des mythologies venues d’ailleurs (Victor Hugo, Les Orientales, 1829, Gérard de Nerval (1808-1855), « Isis », Les filles du feu, 1854).

Le XIXe siècle est également le siècle où s’épanouissent deux mythes complémentaires : celui de Prométhée et celui de Faust. Prométhée, le demi-dieu qui vola le feu aux dieux pour le donner aux hommes et Faust, cet homme qui est prêt à vendre son âme pour accéder à la connaissance, sont deux êtres de transgression qui semblent bien adaptés à exprimer cette époque dominée par une certaine idéologie du progrès.

Les mythes mis à l’honneur dépendent toujours d’un contexte spécifique. Ainsi en 1830, lorsque naît la Belgique, sa cohésion identitaire est loin d’être évidente (population à majorité néerlandophone mais dirigée par des francophones dont de nombreux Flamands). La littérature va jouer un rôle important en mettant en valeur un patrimoine culturel spécifique et en développant un certain « mythe du nord » ou de « l’âme belge », s’appuyant essentiellement pour cela sur la culture flamande, par réaction à la culture française. Œuvre emblématique : La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d›Ulenspiegel de Charles de Coster (1827-1879), 1867.


XXe siècle


En France, les mythes gréco-romains semblent retrouver une grande popularité et sont souvent utilisés pour dénoncer les travers et les tragédies d’une époque. Ainsi dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu (1935), Jean Giraudoux (1882-1944) réinterprète-t-il le mythe de l’Iliade à la lumière du contexte de l’époque : une Europe qui voit venir la prochaine guerre sans pour autant réagir. Dans Antigone (1944), Jean Anouilh (1910-1987) fait de l’héroïne antique une allégorie de la Résistance à l’occupation allemande.

Dans les jeunes nations postcoloniales et aux Antilles, on assiste d’abord dans les années 1950-1960 à une revalorisation de mythes de résistance, à travers des mythes africains ou occidentaux. Soundjata Keïta dans Soundjata ou l’épopée mandingue de Djibril Tamsir Niane (1932 -), 1960, les Keblouti dans Nedjma de Kateb Yacine (1929-1989), 1956, Shango et Prométhée dans La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire (1913-2008), 1963.

À partir des années 1980, on assiste davantage à une certaine déconstruction des mythes, sans doute liée aux désillusions des Indépendances (au moins pour l’Afrique) et aux évolutions parfois douloureuses des identités collectives. Ainsi Ahmadou Kourouma (1927-2003), dans Monnè, outrages et défis (1990) présente-t-il une parodie d’épopée mythique où le héros n’est plus qu’un héros de l’échec, de la honte et de l’humiliation. Dans Les derniers rois mages (1992), Maryse Condé (1937-), dénonce la fascination stérile des Antillais pour leurs racines mythiques africaines.
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