Écrivains Francophones


Écrivains Francophones

Écrivains Francophones


DORA D’ISTRIA (1828 – 1888)


Evoquer sa personnalité et son oeuvre en tête de cette bio bibliographie nous tient particulièrement à coeur. Son nom est oublié, et pourtant elle fut une femme exceptionnelle. Née en 1828 à Bucarest dans une très vieille famille, Elena Ghica se marie à un prince russe puis voyage en Europe avant de terminer ses jours à Florence en se consacrant à l’écriture et à l’entretien de son jardin. Mais surtout, elle laisse derrière elle une oeuvre foisonnante, éparpillée, composée de récits de voyages et de textes
à l’appui de la cause des femmes. Ses reportages paraissent dans la Revue des deux mondes, dans l’Illustration à partir des années 1850, à une époque où la littérature roumaine moderne commence seulement à se former. Avec elle, les lecteurs français et européens de l’époque vont à la rencontre des belles et courageuses « amazones » crétoises qui se révoltent aux côtés de leurs maris. L’auteur les entraine à cheval dans les régions montagneuses des confins de la Grèce ; dans un autre texte, elle leur fait vivre presque en direct son ascension, en première féminine mondiale, d’un des plus hauts sommets des Alpes suisses, les 10 et 11 juin 1855 …. le tout dans une langue française pleine de grâce et d’élégance. Tel est l’intérêt d’Elena Ghica qui choisit comme nom de plume le très féminin Dora D’Istria.


ANNA DE NOAILLES (1876 – 1933)


Anna-Elisabeth Brancoveanu est une poétesse issue d’une vieille et grande famille roumaine et grecque comptant des poètes et des gens de lettres. Elle grandit entre Paris, Le Bosphore et la Savoie. Comme Marthe Bibesco, dont elle était une cousine, elle maîtrise parfaitement le français dès son enfance. En 1898, ses premiers poèmes (Litanies) paraissent dans La Revue de Paris. Son premier recueil de vers, Le Coeur innombrable reçoit à sa parution en 1901 un accueil enthousiaste et demeure son oeuvre la plus connue.



PANAÏT ISTRATI (1884 – 1935)


« …et le 25 décembre 1913 je descends, enfin, dans ce Paris tant désiré. (…) Paris visité dans quatre mois, je m’ennuie et je le quitte. » Dans son texte intitulé simplement Autobiographie, le grand écrivain évoque également son apprentissage du français. Panaït Istrati est succinct : « Trente-trente-trois ans : je descends à Leysin pour soigner ma poitrine, sérieusement atteinte (après l’avoir été une première fois en 1911). Trois mois de repos complet, lectures assidues des classiques français à l’aide d’un dictionnaire et puis déchaînement de passion amoureuse qui me réduit à la misère. » Toute sa vie d’errance, de souffrance, de passion et d’écriture est contenue dans cette courte phrase. Il y aurait beaucoup à dire sur l’auteur de l’inoubliable Les Chardons du Baragan. Le mieux est de lire ses oeuvres enfin réunies par les bons soins des éditions Phébus en 2006 et assorties d’une très jolie préface de l’écrivain Linda Lê. Dans cette introduction à l’oeuvre immense de Panaït Istrati, Linda Lê
évoque bien entendu le moment français1 du vagabond merveilleux qui, venant de toucher le fond de la misère, fait parvenir une lettre poignante à Romain Rolland et dès lors se voit encouragé « à écrire, écrire dans une langue qu’il ignorait jusqu’à l’âge de trente ans, une langue qu’il avait apprise seul en luttant contre la maladie et les doutes. »


MARTHE BIBESCO (1886 – 1973)


Née en Roumanie, à Bucarest, le 28 janvier 1886. Marthe Bibesco a six ans lorsque son père Jean Lahovary est nommé diplomate à Paris et y installe sa famille. L’enfant parle déjà couramment le français avec sa mère qui en est une adepte fervente. Ce n'est que plus tard qu'elle apprendra le
roumain. Marthe Bibesco publie en 1923 un ouvrage consacré à la Roumanie, Isvor, le pays des saules. Sa carrière commence réellement avec la parution, en 1924, du Perroquet vert, peinture de milieux russes en exil, salué comme une révélation par de célèbres auteurs. Puis elle écrit en 1928 un premier essai, Au bal avec Marcel Proust. Elle a rencontré ce dernier occasionnellement et publiera en 1949 sa correspondance au duc de Guiche (Le Voyageur voilé). Suit un recueil d'articles parus dans Vogue, Noblesse de robe, où elle dépeint les milieux de la mode. Elle accomplit des voyages et en rapporte des récits, Jour d'Égypte en 1929, et des lettres de Terre sainte, en 1930, Croisade pour l'anémone. Sous le pseudonyme de Lucile Decaux, elle pratique même le feuilleton populaire : Marie Walewska puis Katia, immortalisée au cinéma par Danielle Darrieux… Dans la même ligne, elle produira plusieurs textes ayant pour sujets Élisabeth II, Churchill ou de Gaulle. La princesse Bibesco retourne souvent en Roumanie, où elle finit par s'installer, faisant à Paris, chaque fois qu'elle y revient, des séjours remarqués. La seconde guerre mondiale la surprend dans son pays; elle erre alors, d'Istanbul à Bucarest, avant de se fixer à Paris en 1945. Elle ne possède plus rien (ses biens sont
confisqués par les communistes) et il faudra toute sa persévérance et le soutien de personnalités pour que sa fille puisse quitter la Roumanie avec mari et enfants. Marthe Bibesco est élue à l'Académie Royale de langue et de littérature françaises le 8 janvier 1955, en même temps que Jean Cocteau. Elle consacre les dernières années de sa vie au projet d'une vaste fresque en plusieurs volumes, liée à l'histoire de l'Europe. Seuls La Nymphe Europe, en 1960, et Où tombe la foudre, posthume, verront le jour. Ses oeuvres demeurent un beau témoignage de l’histoire littéraire française et européenne.


TRISTAN TZARA (1896 – 1963)


Tristan Tzara2, pseudonyme de Samuel Rosenstock (16 avril 1896, Moinesti / 24 décembre 1963, Paris). Avant de partir, en automne 1915, à Zürich pour des études universitaires, il avait édité, avec Ion Vinea et Marcel Iancu, les revues Simbolul (Le Symbole) et, avec Ion Vinea, en 1915, Chemarea (L’Appel). En Suisse, il lance en février 1916 (au cabaret Voltaire de Zürich) le mouvement Dada, aux côtés de Marcel Iancu, Richard Huelsenbeck, Hugo Ball, etc. Ses poèmes roumains, écrits entre 1913 et 1915 ont été publiés pour la première fois en volume par Sasa Pana, en 1934 (édition complétée en 1971 avec les textes inédits conservés dans les archives). En 1965, Claude Sernet en réalise une version française aux éditions Seghers ; une seconde paraîtra dans la traduction de Serge Fauchereau et Mircea Tomus, aux éditions de La Quinzaine littéraire (1974).


BENJAMIN FONDANE (1898 – 1944)


Le jeune homme âgé de 25 ans a déjà publié 550 articles quand il s’expatrie à Paris en 1923. Le voyage en train dans une Europe enneigée est marqué par l’étrangeté qui demeure un des accents de ce destin hors du commun ; par le sentiment de l’irrémédiable, aussi : « Tout mon passé est là dont je n’ai que faire / son sang troue la neige » écrira-t-il dans le poème Nature morte. Francophile, Benjamin Fondane l’est, bien entendu. Dès 1925, il devient écrivain dans la langue de Voltaire… Dans Exercice français, il s’écrit « Ce soir, je te traverse en étranger, Auteuil ! » Sa langue poétique devient le français. L’auteur de sa belle biographie, Olivier Salazar-Ferrer souligne dès ce premier poème « le bateau de tous les départs qui obsède le poète : Les fanaux ont crié dans le sang des trottoirs/ tant pis ! tant pis ! pour le bateau qui se détache. » Le destin cruel de Benjamin Fondane gazé à Birkenau en 1944 semble ici résumé. Entre les deux points d’attache de sa courte vie, ce poète majeur aura fondé un théâtre d’avant garde, réalisé un film surréaliste, voyagé, énormément écrit. Après cinquante ans d’oubli, on le redécouvre depuis quelques années. Les éditions Verdier ont édité en 2006 Le Mal des fantômes, cinq recueils de poèmes que le prisonnier du camp de Drancy désignait à sa femme comme devant un jour former un tout. D’une grande fluidité, l’écriture de Benjamin Fondane mérite d’être lue et dite. Comme ces quelques vers du Mal des fantômes :


MIRCEA ELIADE (1907 - 1986)


L’itinéraire intellectuel de Mircea Eliade est indissociable des voyages qu’il entreprend dès l’âge de vingt et un ans, quand il part en Inde après avoir obtenu une licence de philosophie. Puis c’est Londres en 1940, Lisbonne de 1941 à la fin de la guerre et Paris, où il arrive en 1945. Déjà écrivain primé dans son pays, il accède à la renommée internationale d’abord grâce à son travail d’historien. Le mythe de l’éternel retour et le Traité de l’histoire des religions, préfacé par G. Dumézil paraissent en 1949 à Paris. L’historien des religions a écrit la plupart de ses essais en français, mais a rédigé son journal, ses poèmes, nouvelles et romans dans sa langue maternelle, le roumain. Il fait partie de l’Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique, où il succède à Marthe Bibesco.


EUGENE IONESCO (1909 -1994 )


Né d'un père roumain et d'une mère française, Eugène Ionesco passe son enfance en France. Il y écrit à onze ans ses premiers poèmes, un scénario de comédie et un « drame patriotique ». En 1925, le divorce de ses parents le conduit à retourner en Roumanie avec son père. Là se joue sans doute l’avenir créateur de l’auteur de La Cantatrice chauve : le jeune homme français doit apprendre le roumain et suivre les cours du lycée en roumain. Ce ne fut pas facile, comme le montre un reportage de L’Evénement du Jeudi en 1995, révélant pour la première fois les carnets de notes du jeune Eugen Ionescu. Après ses études et une grande activité littéraire dans l’avant-garde roumaine, en 1938, il part en France pour préparer une thèse. Il est interrompu par le déclenchement de la guerre qui l'oblige à regagner la Roumanie. C'est en 1942 qu'il se fixe définitivement en France, obtenant après la guerre sa naturalisation. 1950 est l’année décisive pour Ionesco : il passe définitivement au français. Il avait déjà confié à son ami Tudor Vianu, dans une lettre, en 1948, qu’il n’espérait plus être publié en Roumanie par le nouveau pouvoir communiste et annonçait « j’essayerai de me traduire moi-même en français ». En 1950, sa première oeuvre dramatique, La Cantatrice chauve, sous-titrée «antipièce » est représentée au théâtre des Noctambules. Le « théâtre de l'absurde » est né. Toute l’oeuvre de Eugène Ionesco est disponible chez Gallimard et, bien sûr, dans l’édition de la Pléiade.


CIORAN (1911 – 1995)


C’est au cours de l’été 1947 que Cioran a la révélation de la langue française comme nécessité créatrice, alors qu’il se trouve déjà en France depuis une dizain d’années et que, pendant tout ce temps, il a continué d’écrire en roumain. Il avait obtenu avant guerre une bourse du gouvernement français pour mener à bien un travail universitaire... pour lequel il ne prendra jamais la plume, préférant lire et voyager. Comme le raconte Simona Modreanu dans son Cioran (éd. Oxus), « …Cioran, se trouvant à Dieppe, s’adonne à un exercice absurde dans les circonstances considérées, à savoir traduire Mallarmé en roumain. (…) L’évidence est là : s’il veut s’en sortir, s’il souhaite écrire et vivre en France, il lui faut absolument abandonner le roumain et s’atteler à l’étude de cette « camisole de force » qu’est le français, tellement opposée à son tempérament et à la poésie sauvage de sa langue maternelle. Il rentre à Paris le lendemain et se met au travail sous le coup de cette impulsion (…). » Cioran décrit ce moment capital dans une lettre à un ami qui, resté en Roumanie, lui
demande s’il a l’intention d’écrire de nouveau en roumain. La réponse de Cioran est d’une grande véracité psychologique tout en livrant plusieurs ressorts de sa pensée (la pratique de l’oxymoron et le jeu conscient - inconscient sur la portée symbolique différente de mots roumain et français proches par la syntaxe, éloignés par le sens)


GHERASIM LUCA (1913 – 1994)


Il s’appelait Salman Locker (ou Zolman)3 et ses amis le surnommaient Zola ! Quel départ dans la vie pour celui qui fit du déplacement de sens, du déplacement de césure des mots à l’intérieur des vers, une de ses marques de fabrique –il en va ainsi de la fin du poème A Gorge dénouée : « et le Coupeur de tête (…) éclate de mou rire ». Né en 1913 à Bucarest, Salman Locker – Zola n’a pas fini de muer. Lorsqu’il doit pour la première fois se choisir un nom de plume dans les années 1930, un ami suggère Gherasim Luca, nom qui deviendra officiellement le sien après la seconde guerre mondiale. Il apprit plus tard que l’ami en question avait trouvé ce nom à la rubrique nécrologique : « Gherasim Luca, Archimandrite du Mont Athos et linguiste émérite »… La troisième mue est celle qui le fait naître à la langue française. Après un séjour de deux ans à Paris (jusqu’à l’entrée des Allemands dans la capitale) et un retour en Roumanie, Gherasim Luca rédige son premier livre en français en 1941, Le Vampire passif. Pour fuir le pays et la censure communiste, le poète parvient à rejoindre Israël en 1951, puis une année plus tard, Paris. Une vie de création s’ouvre à lui. Il y met un terme en se jetant dans la Seine, le 10 mars 1994. Les ressorts de sa poésie sont d’une modernité que les slameurs d’aujourd’hui ne renieraient sans doute pas… et son art est ludique, tels ces vers qui remplaceraient
utilement, chez les élèves de collège, les trouvailles du Prince de Motordu qui, chez les tout-petits, font aujourd’hui un tabac


ISIDORE ISOU (1925 – 2007)


Petite (et donc abusivement restrictive) mention pour Isidore Isou qui a bâti son oeuvre sur les lettres, à partir de sa « révélation » du lettrisme. En 1942, à l’âge de 17 ans, dans sa Roumanie natale, Isidore Isou lit la phrase de Keyserling "le poète dilate les vocables" et comprend "voyelles"… qui en roumain se disent "vocale". C’est le début d’une aventure intellectuelle encore largement méconnue,
quand bien même de grands courants de l’art d’aujourd’hui lui sont largement redevables. De l'Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique (1947) à la monumentale Créatique
publiée seulement en 2003, l’artiste a investi tous les domaines du savoir, de l’après-guerre à nos jours. Ben, l’artiste des mots blancs sur fond noir, avait invité Isidore Isou et son compagnon de la première heure, Maurice Lemaître en 2006, à la manifestation « Le tas d’esprit », dans le quartier Latin où Isou vivait. Il s’agissait d’une de ses dernières apparitions en public. Il s’est éteint à 82 ans, le 28 juillet 2007.


LIA SAVU (1932 – 1995)


Lia Savu est née à Bucarest. Elle suit les cours du Lycée français de la capitale et poursuit des études à la Faculté de Chimie. Elle commence une carrière de chercheur en biochimie dans la Roumanie communiste et finit par émigrer en France en 1963, où elle continue son ascension dans son domaine de recherche, au sein du CNRS. La langue française l’accompagne toute sa vie, dans la recherche, dans la création, dans la maladie. Elle meurt en 1995 en laissant dix cahiers de poèmes et un journal inédits. Colette Seghers, alors rédactrice en chef de la revue Poésie, publie ses poèmes qui lui parviennent « comme au temps de Stendhal », écrit-elle dans la préface d’un recueil –le seul à ce jour- publié à Bucarest par les éditions Humanitas. La Roumaine qui écrivait en français est traduite dans son pays de naissance par un esthète, Stefan Augustin Doinas, poète lui aussi aujourd’hui disparu. La parole à Colette Seghers : « Il y a dans cette voix qui feint parfois de pianoter avec désinvolture sur les notes du langage, une femme profonde, douloureuse, allusive (…). Sa poésie est son parfum. Elle s’en environne à la fois pour se dire et se taire, et son grand talent est que nous l’entendons au niveau qu’elle mérite et qui ne trompe pas. ».


ION POP


Ion Pop est né en 1941 à Miresu-Mare, au nord de la Transylvanie roumaine. Il est l’auteur d’une oeuvre poétique considérable, couronnée de plusieurs prix littéraires roumains et partiellement traduite en français. Son nom et sa réputation sont indissociables de la critique littéraire, dans laquelle il excelle, et du nom de la revue littéraire roumaine Echinox dont il a tenu les rênes dans les années 1970 et 1980. Il vit aujourd’hui à Cluj-Napoca. La Réhabilitation du rêve propose pour la première fois en France une anthologie de l’Avant-garde littéraire roumaine. Ion Pop démarre cet ouvrage indispensable par une étude littéraire et historique d’une centaine de pages, bineinteles, écrite en français. Il fait suivre son étude par des textes exhumés des revues roumaines des années 1920 et 1930 et dont les traducteurs s’appellent Eugène Ionesco, Ilarie Voronca ou Claude Sernet. La troisième partie est à proprement parler une anthologie des oeuvres écrites des quelque seize (et oui !) représentants de cette bouillonnante période créatrice. Le tout est enrichi de documents (gravures,
dessins, fac-similés).


THOMAS PAVEL


Thomas Pavel mène sa carrière d’universitaire, d’essayiste et d’écrivain à cheval sur les langues française et anglaise. Né en 1941 à Bucarest, il s’exile en France dans les années 1960, où il intègre l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales avant d’enseigner à Ottawa. Il est tour à tour invité par les plus prestigieuses universités américaines et européennes dans les années 1980 à 2000. Il prononce en 2006 une leçon inaugurale au Collège de France qui le charge de sa Chaire Internationale. Comment écouter la littérature est publiée chez Fayard dans sa collection "Leçons Inaugurales Du Collège "en 2006. Thomas Pavel est aujourd’hui citoyen américain et enseigne la littérature à l’université de Chicago. Son roman La sixième branche (Fayard, 2003) entraîne le lecteur sur les pas d’un jeune homme d’origine juive employé comme bibliographe dans les riches archives que la police politique vient juste de confisquer aux monastères démantelés par le pouvoir communiste. Il se retrouve en France presque par hasard, puis au Canada, où il s’installe. Ce jour marque un tournant essentiel dans sa vie : jusqu’alors menée par le hasard et le déterminisme, elle devient un trésor qu’il tient entre ses mains. En est-il vraiment le seul maître ? Une intrigue se noue. Plusieurs destins s’entremêlent. « S’habituer à vivre dans un nouveau pays, cela ressemble à un long
réveil »… constate le narrateur. Ses nouvelles certitudes ne tardent pas à être ébranlées. Le passé le rattrape. «Et pourtant je me croyais bien planté sur le roc de la Sagacité, au beau milieu de l’Archipel des Rêves réalisables. »


DUMITRU TSEPENEAG


Un cas à part.  Un de ces écrivains dont le talent permet d’innover aussi bien dans leur langue maternelle que dans la langue d’adoption, le français. Son extraordinaire roman Le Mot sablier en est la preuve formelle. Il est en Roumanie dans les années 60 et 70, avec le poète Leonid Dimov, le chef
de file de l’onirisme, le seul courant littéraire à s’opposer au réalisme socialiste officiel. En 1975, pendant un séjour à Paris, il est déchu de sa nationalité par Ceausescu et contraint à l’exil. Il est naturalisé français en 1984. Pendant les années 80, il se met à écrire directement en français. La chute du mur de Berlin le ramène à la langue maternelle, sans pour autant qu'il renonce au français. Il fonde
et dirige à Paris les Cahiers de l’Est (trimestriel littéraire) de 1975 à 1980, puis les Nouveaux Cahiers de l’Est, de 1991 à 1992 et Seine et Danube de 2003 à 2005 et fait partie du comité de rédaction de la revue Po&sie. Dumitru Tsepeneag tient d’épatantes chroniques dans La Revue littéraire, justement intitulées «frappes chirurgicales». Dumitru Tsepeneag est également un grand traducteur. Dès les années 60, il traduit en roumain Albert Béguin, Michel Deguy, André Malraux, Gérard de Nerval, Robert Pinget, Alain Robbe-Grillet, etc. Et plus récemment Maurice Blanchot, Alexandre Kojève et Jacques Derrida.


MATEI CAZACU


Dire de lui qu’il est « archiviste, paléographe, docteur en histoire et civilisation du monde byzantin et post-byzantin » suffit fort peu à définir l’esprit insatiable de Matei Cazacu. Doté d’une curiosité et d’un souci du détail érudit hors du commun, ce diplômé de l'Ecole pratique des hautes études, chargé de cours à Paris IV et chercheur au CNRS, communique la jubilation de la recherche historique à des
générations d’étudiants –ceux de l’Inalco entre autres. Il est l’auteur d'une centaine d'articles scientifiques et d'une dizaine d'ouvrages dont, chez Tallandier, la fameuse première biographie de Dracula…Ce livre, qui se lit avec facilité, est le fruit de quarante années de recherches. Matei Cazacu raconte, avec l’humour discret qui le caractérise, les étapes de cette passion historique initiée en Roumanie par l’étudiant en maîtrise en 1969 et que le lecteur français a la chance de voir éclore, en 2004, avec la publication de cet ouvrage.


MATEI VISNIEC


Dramaturge, poète et journaliste, né en 1956 en Roumanie, Matei Visniec arrive à Paris en 1987, sur invitation d’une fondation culturelle et il demande l’asile politique en France. Depuis, il écrit essentiellement en français. En 1993, il obtient la nationalité française et commence à travailler en tant que journaliste à RFI. Après la chute du régime totalitaire en Roumanie, en 1989, Matei Visniec devient l’auteur le plus joué dans le pays. En France, une trentaine de créations ont d’ores et déjà vu
le jour. « Je suis l'homme qui vit entre deux cultures, deux sensibilités, je suis l'homme qui a ses racines en Roumanie et ses ailes en France. »


MARIA MAÏLAT


Personnalité chaleureuse (ses amis le disent) et secrète (on le lit), Maria Maïlat se  livre un peu dans le parcours de son héroïne Mina, dans son premier roman écrit en français, La Cuisse de Kafka. Mina est gymnaste, le lavage de cerveau est éprouvant dans ce pays communiste. Dans ce milieu de la performance sportive, on la traite avec mépris de « poétesse ». Mina écrit : « Adolescente, j’aurais aimé ressusciter Blaise Cendras en récitant ses poèmes, j’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Je songeais à la France, mais sans l’approcher, je l’observais de loin, depuis Saturne. Je ne me voyais pas débarquer à Paris en touriste, puisque Dante n’avait pas arpenté le Purgatoire en suivant le plan d’une agence de voyage. L’exil n’était pas comparable à un week-end d’évasion à Venise ou à Prague. » Et Mina de s’exiler, d’apprendre le français, à trente-trois ans, de subir la douleur et
l’humiliation de ceux qui vous accueillent sans vous accueillir. Née en Transylvanie dans une famille pluriculturelle, anthropologue, poète et romancière francophone, Maria Maïlat vit à Paris depuis 1986.


MARIUS DANIEL POPESCU


Marius Daniel Popescu est né à Craiova en 1963 et s’est établi à Lausanne en 1990. Au volant de son trolleybus de la compagnie des Transports publics, Marius Daniel Popescu observe le monde, l’absorbe par tous ses pores. L’homme est poète. Quatre recueils publiés en Roumanie, puis le français s’impose. Son premier recueil de poèmes écrits en français, intitulé 4 x 4, poèmes tout-terrains est publié par les éditions Antipodes, à Lausanne. Puis ce sont les Arrêts déplacés, en 2004 chez le même éditeur, recueil qui obtient le Prix Rilke 2006. Marius Daniel Popescu lance en 2004 un journal littéraire dont il est le seul et unique contributeur : Le Persil. En 2007, les éditions José Corti publient un roman à la facture extraordinaire, en cette période de maigreur épique : à la fois grand récit et accumulation poétique d’observations au périscope –l’exacte quotidienneté de la beauté. Pour lui, « La langue française est devenue (…) une sorte de soeur jumelle avec laquelle je partage les impressions sur tout ce que je vis, sur tout ce qu'elle et moi rencontrons dans la vie de chaque jour. » Un journaliste a écrit quelque part que s’il n’écrivait pas, ce romancier-là verrait son crâne exploser sous la pression des images, des associations et des idées. Cependant, quelle maîtrise du flux créateur ! Que ce soit pour évoquer ce nid d’hirondelles posé sur un fil électrique dans la véranda chez sa grand-mère ou dans la réflexion partant d’un regard un seul posé sur « cinq sacs en plastique sur une des étagères », Marius Daniel Popescu ensorcelle. Allez, un court passage : « Quand un inconnu te demande ce que tu fais dans la vie, tu lui réponds « je suis dans la publicité ! » Tu ne dis pas aux inconnus que tu travailles comme colleur d’affiches, tu leur dis que tu analyses les publicités sur les sacs en plastique et en papier. S’ils te demandent : « Et les sacs en tissu, ils vous intéressent ? », tu
réponds oui et ils prennent l’air de quelqu’un qui réfléchit puis, après deux ou trois secondes, ils disent « ça doit être intéressant ! »


FLORIN TURCANU


Florin Turcanu est né en 1967 en Roumanie. Il est historien. Ancien étudiant de l'EHESS de Paris, il est actuellement maître de conférences à la Faculté de sciences politiques de l'université de Bucarest et chercheur à l'Institut roumain d'études sud-est-européennes. Son ouvrage sur Mircea Eliade, écrit en français et préfacé par Jacques Julliard éclaire de manière magistrale une des personnalités les plus complexes de l’histoire des lettres roumaines et françaises. Il est la preuve éclatante de la vitalité des liens qu’entretiennent les intellectuels, de la Dambovita à la Seine.


LETITIA ILEA


Letitia Ilea, poète et traductrice, est née en 1967 à Cluj-Napoca, en Roumanie. Elle poursuit des études de Lettres à la faculté de Cluj- Napoca, où elle enseigne aujourd’hui le français. Elle fait ses débuts en poésie dès 1984 et ne cesse depuis de publier des poèmes, des chroniques littéraires, des interviews et des traductions dans la majorité des revues littéraires de Roumanie. Letitia Ilea appartient à la belle famille des poètes qui se traduisent eux-mêmes. Ses poèmes ont été publiés sous forme de recueils en Roumanie (eufemisme, Ideea, 1997; chiar viaŃa, Paralela 45, 1999; o persoană serioasă, Limes, 2004) puis en France (Est-cris,Transignum, 2005; Terrasses, Éditions du Centre International de Poésie de Marseille, 2005; Apprivoiser le silence, Autres Temps, 2005), ainsi que dans diverses anthologies et revues roumaines et françaises (Europe, nr. 894, octobre 2003, La revue des archers, nr. 8, 2005, etc.). Letitia Ilea a été une des douze invités des Belles Étrangères consacrées en 2005 à la Roumanie. Plusieurs de ses poèmes ont été publiés à cette occasion dans le recueil Douze écrivains roumains. Les lecteurs ont la possibilité de l’écouter et de la voir, filmée chez elle en 2005 : le DVD du film de Dominique Rabourdin figure à la fin du recueil. Elle a reçu sept prix littéraires en Roumanie pour sa poésie et ses travaux de traduction. Le prix Jean Malrieu lui a été décerné en avril 2007 pour son recueil Apprivoiser le silence. « J'écris des vers comme des timbres qui ne collent pas sur des lettres sans destinataire » écrit-elle. Pour son préfacier, « il y a dans cette phrase tout le désarroi du poète sur son utilité immédiate, mais aussi sa dramatique assurance de savoir demain des collectionneurs qu'il saura intéresser ». Voici un auteur qu’il faut lire et faire écouter.


DUMITRU DODO NITA


Il n’est l’auteur d’aucun ouvrage en français, mais sa contribution à la francophonie est évidente. Dumitru Dodo Nita est né en 1964 à Bucarest. Il est aujourd’hui l’interlocuteur incontournable de qui cherche à connaître la BD roumaine. Le 9ème art ne bénéficie pas en Roumanie du prestige qu’il connaît ailleurs, mais il a, grâce à M. Nita, son salon annuel et son association des bédéphiles. A force d’écumer les bouquinistes, ce passionné, parfait francophone, a rassemblé 80 albums sur les cent albums jamais édités en Roumanie (oui, 100 : 50 albums publiés avant 1989, dans les années 1930 notamment, 50 albums depuis) et s’est constitué l’unique bibliothèque de BD de son pays.
Il a traduit en roumain les oeuvres de Morris, André Juillard et Louis Cance. Pour son travail en faveur de la francophonie à travers la bande dessinée, Dodo Nita a reçu en 2001 le titre de Chevalier de l`Ordre des Palmes académiques en France et en 2006 celui de Chevalier de l'Ordre de Léopold en Belgique.


LINDA MARIA BAROS


Linda Maria Baros est née en 1981 à Bucarest. Fille de poète, elle est poète ellemême, essayiste et traductrice de ses propres textes ainsi que de poèmes roumains. Elle a été récompensée par plusieurs prix littéraires roumains et français, dont le prix de la Vocation en 2004 et le Prix Apollinaire en 2007, pour La Maison en lames de rasoir.



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