La poésie entre romantisme et modernité

La poésie entre romantisme et modernité


La poésie entre 

romantisme et modernité


Naissance du poème en prose

• Les poètes romantiques respectent globalement le vers classique. Cependant, en cherchant une langue plus authentique et familière, capable d'exprimer avec sincérité leurs sentiments, ces poètes tendent tout de même à libérer le vers de certains de ses carcans et en particulier l'alexandrin, le vers noble de la poésie française. Hugo affirme ainsi dans Les Contemplations : « J'ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose. »

• Toutefois, c'est avec un poète romantique mineur que la poésie va connaître une de ses plus importantes révolutions. En effet, en 1842, un an après la mort de son auteur, est publié un recueil qui influencera grandement l'avenir de la poésie : Gaspard de la nuit, sous-titré Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot. Son auteur, Aloysius Bertrand, crée alors un genre nouveau : le poème en
prose, faisant ainsi éclater la frontière qui séparait jusque-là poésie et prose. Les courts textes de ce recueil sont écrits en prose, mais par leur rythme, par leur unité et leur densité, par leurs images, ils ont la puissance de la poésie. Évocation de rêves, portraits troublants, scènes de rue, etc., Bertrand crée ici un univers onirique, sombre et mystérieux avec une grande force de suggestion et transfigure le réel. Baudelaire se placera dans la filiation de ce poète au moment d'écrire ses Petits Poèmes en
prose qui sont souvent des réécritures de poèmes en vers. Baudelaire

• Baudelaire s'impose au milieu du siècle comme le premier poète moderne. En 1857, sa grande oeuvre Les Fleurs du Mal essuie un procès pour atteinte aux bonnes moeurs à cause « d'expressions obscènes et immorales », l'année même où le roman de Flaubert Madame Bovary, est lui aussi attaqué pour les mêmes raisons. Mais, alors que Flaubert est acquitté, le recueil poétique est condamné et certaines pièces sont censurées. Il faudra attendre la mort du poète « maudit » pour que l'oeuvre rencontre un véritable succès.

• Pour Baudelaire, l'artiste doit exprimer la modernité : « le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable ». À la différence des romantiques, le poète considère la nature comme un lieu de corruption et de dégénérescence. Ses poèmes des Fleurs du mal évoquent le monde urbain dans lequel vit l'homme moderne et le déchirement de celui-ci, accablé par le spleen, un sentiment de profond désespoir et de mal-être, et en même temps exalté par la recherche de la beauté et de l'idéal. L'homme est partagé entre ses aspirations vers Dieu et vers Satan, entre le plaisir de la sensualité et la douleur. La femme dépeinte dans le recueil est elle-même représentative de cette dualité : tantôt source de bonheur et d'évasion pour le poète, tantôt perverse et repoussante, « abominable ».

• Seule la poésie est capable d'exprimer le monde, de redonner une unité à cette fragmentation angoissante du monde moderne, par le jeu des images qui mêlent les différentes sensations selon la théorie des « correspondances » développée par le poète : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. »
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