La poésie symboliste et décadente

La poésie symboliste et décadente


La poésie symboliste 

et décadente



• Rimbaud paraît une sorte de comète dans le paysage littéraire français. Le jeune poète n'a pas vingt-deux ans lorsqu'il cesse définitivement d'écrire, après avoir créé une oeuvre magistrale et radicalement nouvelle. Les premiers poèmes qu'il publie à dix-sept ans portent déjà la marque d'un esprit libre et révolté. C'est à partir de sa rencontre avec Verlaine et de l'errance que les deux poètes vivent ensemble que sa poésie évolue encore.

• Pour Rimbaud, le poète doit se faire « voyant » et explorer un monde inconnu, en procédant à un « immense et raisonné dérèglement de tous les sens ». Le poète doit opérer une révolution totale de tout son être car « je est un autre ». Sa poésie aboutit aux Illuminations, recueil qui regroupe des poèmes en prose, des sortes d'instantanés de paysages, de scènes qui semblent nés d'hallucinations ou de
rêveries fulgurantes. La poésie classique semble radicalement renouvelée dans son oeuvre. Le symbolisme

• Verlaine, dont la vie est liée à celle de Rimbaud, a écrit une poésie qui annonce le symbolisme. Le poète compose de courts poèmes, teintés d'une douce mélancolie et qui jouent sur une esthétique impressionniste. Il s'agit surtout pour lui de suggérer des sensations fugitives, de susciter des impressions, loin de tout réalisme, en décrivant par exemple des paysages tristes en demi-teinte. Il privilégie également la musicalité de la poésie et pour cela préfère les vers impairs courts au traditionnel alexandrin : « De la musique avant toute chose,/ Et pour cela préfère l'Impair », affirme-t-il dans son « Art poétique ».

• Cependant, le maître incontesté du symbolisme reste Mallarmé. Reprenant la théorie des correspondances développée par Baudelaire et rejetant le réalisme qui triomphe dans le roman, Mallarmé veut suggérer le monde et non le décrire, il veut saisir l'essence des choses, peindre « non la chose mais l'effet qu'elle produit ». Pour cela, la langue poétique doit être radicalement différente du langage parlé quotidiennement. Mallarmé pratique donc une poésie épurée, particulièrement
exigeante, au risque de paraître parfois un peu hermétique. Le poète est hanté par la quête de l'azur, un idéal inaccessible, que seule une poésie qui tend vers le silence peut tenter d'approcher. Poètes décadents

• La fin du siècle voit apparaître une génération désabusée. La modernité et les remises en question qui l'accompagnent, les crises politiques comme la défaite face à l'Allemagne, l'essor de la bourgeoisie et d'une société de plus en plus matérialiste diffusent un certain pessimisme et favorisent l'émergence du décadentisme. Les poètes expriment bien cette crise du sujet lyrique. Après Mallarmé ou Rimbaud, il semble de plus en plus difficile d'écrire à la première personne. Ces poètes décadents se réfugient alors dans la dérision et dans une distance ironique vis-à-vis de leur propre poésie et de leur propre figure de poète. Laforgue ou Corbière ne peuvent faire entendre leurs plaintes qu'avec une forme de désinvolture. Zoom sur… Le Parnasse Théophile Gautier, romantique de la première heure, marque une rupture significative avec le mouvement dont il est issu en publiant un article en 1857 qui affirme la primauté de l'art pur, de « l'art pour l'art » et s'oppose donc à la conception d'une poésie engagée. C'est dans ce sillage que s'inscrit le mouvement parnassien. Le Parnasse désigne un courant qui prône une poésie impersonnelle, loin des effusions lyriques du romantisme de Lamartine ou d'Hugo. La poésie doit pour les parnassiens atteindre une beauté, une perfection formelle, résultat d'un travail minutieux, et ne doit pas véhiculer de message, mais au contraire prendre ses distances par rapport au monde. Les poètes qui se rassemblent autour de Leconte de Lisle s'inspirent en ceci de la formule de Gautier : « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne sert à rien. » Les parnassiens privilégient donc les scènes de l'Antiquité, un bel objet ou les paysages exotiques, comme dans le poème suivant :

Le Sommeil de Leïlah

« Ni bruits d'aile, ni sons d'eau vive, ni murmures ;
La cendre du soleil nage sur l'herbe en fleur,
Et de son bec furtif le bengali siffleur
Boit, comme un sang doré, le jus des mangues mûres.
Dans le verger royal où rougissent les mûres,
Sous le ciel clair qui brûle et n'a plus de couleur,
Leïlah, languissante et rose de chaleur,
Clôt ses yeux aux longs cils à l'ombre des ramures.
Son front ceint de rubis presse son bras charmant ;
L'ambre de son pied nu colore doucement
Le treillis emperlé de l'étroite babouche.
Elle rit et sommeille et songe au bien-aimé,
Telle qu'un fruit de pourpre, ardent et parfumé,
Qui rafraîchit le coeur en altérant la bouche. »

Leconte de Lisle, Poèmes barbares
mots-clés