Idéologie bourgeoise et sécession des artistes (1850-80)

Idéologie bourgeoise et sécession des artistes  (1850-80)


Idéologie bourgeoise et 

sécession des artistes 

(1850-80)


L'échec de la Révolution de 1848, puis le coup d'État de Napoléon III (1851) mettent fin au rêve romantique de transformer la société en une République généreuse, plus égalitaire, guidée par ses intellectuels.

L'idéologie bourgeoise reprend volontiers des thèmes du XVIIIe siècle libéral, ceux de Voltaire surtout : confiance dans le progrès, liberté de pensée, anticléricalisme. Elle s'exprime dans la philosophie positive (Auguste Comte, Renan et Taine). Son rationalisme très modéré prône comme valeurs la science, l'esprit, le bon sens, mais en les associant à un souci d'ordre moral et social qui fait accepter l'Église, cette force de tradition, et refuser toute évolution dès qu'il s'agit de questions sociales. Les critiques littéraires font l'histoire de la littérature en évaluant les « grands classiques » (Nisard, Sainte-Beuve). Une grande partie de la production s'oriente vers un réalisme de bon ton (A. Dumas fils). Le divertissement brillant (Offenbach, Labiche) côtoie une littérature de large consommation. Le « succès du siècle » c'est Le Maître des Forges (1882) de Georges Ohnet (250 éditions).

L'isolement des artistes s'accentue face à l'uniformisation triomphante que l'École contribue à ancrer dans les consciences. Contre le conformisme, contre l'engagement politique et même le réalisme qui soumet l'art au social, l'Art pour l'Art défend l'idée d'une aristocratie de l'esprit : on n'écrit plus que pour ses égaux, le groupe producteur devient son propre consommateur privilégié. 

L'artiste se replie sur son milieu et sa solitude et refuse une place dans un monde jugé répugnant. On affirme la valeur des techniques d'écriture contraignantes ; l'auteur est créateur non par son inspiration, mais par son art d'utilisation du langage, qui crée alors un objet autonome original. C'est, dans l'art littéraire, une révolution. Le monde artiste glisse alors progressivement vers la marginalité. Le premier volume du Parnasse contemporain (1866) rassemble notamment des poèmes de T. Gautier, Banville, Leconte de Lisle, Coppée, Sully-Prudhomme, Baudelaire, Verlaine et Mallarmé. Cette école (les Parnassiens) finira par constituer à son tour une forme de l'art officiel.

Parnasse : au milieu du siècle, se constitue autour de Leconte de Lisle un groupe de poètes dits « parnassiens », unis par le besoin de réagir contre les épanchements romantiques, qu'ils considèrent excessifs. Ils prônent une poésie descriptive, aux lignes pures, à la plastique impeccable et dont la seule raison d'être est la beauté (théorie de l'art pour l'art). POTELET

D'autres œuvres, en revanche, mettent en jeu une esthétique neuve, explorent l'imaginaire et proposent des visions du monde irrecevables par l'idéologie officielle ; ces poètes maudits dont certains passent alors inaperçus, ont surtout un succès de scandale, mais ils créent les moyens d'une mutation radicale de la poésie.

CH. BAUDELAIRE, dont le recueil Les Fleurs du Mal (1857) est condamné pour immoralité, fait de la poésie une quête de soi, par les correspondances qu'elle dévoile entre le monde sensible et des vérités cachées. Dandysme, sensualité, angoisse du mal se retrouvent aussi dans ses Petits poèmes en prose (1865).

P. VERLAINE Poèmes Saturniens (1866), Sagesse (1880), Jadis et Naguère (1884) donne au langage poétique une musicalité neuve : recherches approfondies qui tentent à la fois de traduire et de compenser une conscience amère de la fragilité du moi et du monde.

A. RIMBAUD Une saison en enfer (1873), Illuminations (1872-73) progresse vers la connaissance des pouvoirs cachés du langage, mais rompt très jeune avec la pratique de la poésie.

LAUTRÉAMONT Les Chants du Maldoror (1868).
Des personnalités originales, quoique moins puissantes : Cros, Corbière, Nouveau visent des objectifs semblables. Cet état d'esprit affecte aussi des romanciers comme Flaubert, Maupassant ou Barbey d'Aurevilly qui affirment leur rupture avec la société du temps.
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