La crise des valeurs morales et littéraires (1870-1914)

La crise des valeurs morales et littéraires  (1870-1914)


La crise des valeurs morales 

et littéraires (1870-1914)



Après la défaite de la Commune, la République est rétablie, mais elle est peu conforme aux espoirs de beaucoup de ceux qui l'attendaient ; il s'ensuit une crise des valeurs et un sentiment de décadence révélé par les remous de l'Affaire Dreyfus. L'idéologie bourgeoise ne se renouvelle plus, sinon par le colonialisme et le nationalisme.



L'écrivain et la société


Les écrivains sont mal à l'aise dans la société du temps. La contestation ou le compromis sont les deux voies possibles pour ceux qui mettent l'écriture au service de convictions politiques explicites, en se donnant la mission de décrire les luttes du monde social contemporain : naissance du mouvement ouvrier, de l'anarchisme, du socialisme (Jaurès).


1886 J. Vallès L'insurgé

1893 A. France Les Opinions de Jérôme Coignard

1897 M. Barrès Les Déracinés

1900 Ch. Péguy Les Cahiers de la Quinzaine

1915 R. Rolland Au-dessus de la mêlée


Anatole France se montrera plutôt partisan du compromis. Même des auteurs plus réservés à l'égard des questions politiques affirment malgré tout le rôle de l'écrivain comme celui d'une conscience qui doit éclairer ses contemporains (R. Rolland, Ch. Péguy).



Positivisme et irrationalisme


Alors même que le positivisme donne ses productions les plus achevées, la contestation du positivisme est souvent l'oeuvre de la science elle-même. Ruine du scientisme (Einstein, Freud, Bergson). On perd un peu de la confiance absolue que l'on avait pu placer dans la stabilité et la sûreté des découvertes scientifiques. On assiste alors à un mouvement général de retour au catholicisme (Huysmans, Claudel, Péguy, Maritain). Les para-religions et le syncrétisme passionnent les milieux intellectuels. L'influence du roman russe (Tolstoï, Dostoïevsky), de la pensée allemande (Nietzche) et du théâtre scandinave (Ibsen, Strindberg) renforce l'héritage romantique.


1883 Villiers de L'Isle-Adam Contes cruels

1884 C. Huysmans À Rebours

1886 L. Bloy Le Désespéré

1887 S. Mallarmé Poésies complètes

1890 Villiers de L'Isle-Adam Axel

1892 M. Maeterlinck Pelléas et Mélisande

1895 A. Gide Les Nourritures terrestres



Les spéculations sur les pouvoirs du langage et des symboles comme révélateurs de vérités cachées inspirent une poésie de plus en plus difficile, comme celle des groupes appelés décadents puis symbolistes : Moréas, Corbière, Laforgue et surtout Mallarmé. Huysmans et Bloy passent du naturalisme au symbolisme. Cela marque dans les jeunes générations un désir de rompre avec une société trop rigide, c'est ce qu'expriment les premières oeuvres de Gide qui devait avoir une grande influence plusieurs années plus tard. En Belgique le mouvement La Jeune Belgique en est proche (C. Lemonnier, G. Rodenbach, E. Verhaeren, Ch. Van Lerberghe, M. Elskamp, M. Maeterlinck).



Symbolisme : pendant la seconde moitié du XIXe siècle, en réaction contre les descriptions parnassiennes qui dévoilent trop clairement le monde, se dessine à la suite de Baudelaire et autour de Verlaine, Rimbaud et Mallarmé, un idéal poétique célébrant le rêve, le mystère et le sens caché des choses : il ne s'agit plus pour le poète de décrire le réel, car nommer un objet, c'est l'appauvrir, mais de le suggérer au moyen du symbole qui établit des correspondances secrètes entre le visible et l'invisible. Ainsi, un paysage peut-il refléter un état d'âme (l'automne évoque la tristesse, la pluie, les larmes, etc.). Le poète symboliste cultive la musicalité pour mieux parler à l'âme et atteindre la sensibilité du lecteur. POTELET



Des formes nouvelles


1885 J. Laforgue Les complaintes

1893 E. Verhaeren Les campagnes hallucinées

1896 A. Jarry Ubu Roi

1913 B. Cendrars La prose du Transsibérien

1913 G. Apollinaire Alcools

1918 G. Apollinaire Calligrammes



Rejetant avec les valeurs bourgeoises tous les principes esthétiques du passé, des artistes élaborent des doctrines où l'art devient sa propre finalité (cf. l'Art pour l'Art). Ces auteurs considèrent que le langage artistique peut aussi permettre une nouvelle perception du monde. La découverte des arts non occidentaux montre qu'on peut inventer des structures et des formes autres que celles sur lesquelles a vécu l'Occident.



Ambiguïtés de la « Belle Époque »


Pour une large partie du public, les inquiétudes et recherches littéraires sont ignorées ou rejetées, de même d'ailleurs que les revendications politiques souvent violentes de l'anarchisme, du socialisme ou des mouvements syndicalistes. À l'aube du XXe siècle, la société bourgeoise vit sa « Belle Époque » et célèbre la gloire d'écrivains moralistes, garants de l'ordre (Bourget), savoure un théâtre de stéréotypes et de divertissement brillant (E. Rostand), et l'humour plus ou moins grinçant d'auteurs tenus pour des amuseurs (G. Feydeau, A. Allais, G. Courteline). 

Ce sont aussi les stéréotypes intimistes de P. Géraldy qui ont les faveurs du public (Toi et Moi, 1913), est vendu à un million d'exemplaires.
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