Analyse de ‘’Phèdre’’ partie 1: Intérêt littéraire

Analyse de  ‘’Phèdre’’  partie 1: Intérêt littéraire


Intérêt littéraire


Dans cette tragédie en cinq actes et en vers (1 654 alexandrins), Racine déploya un art consommé, qu’on peut définir en étudiant successivement le lexique, la syntaxe, les styles, la poésie et le vers.

Le lexique :


On y relève des usages caractéristiques de la langue du XVIIe siècle :
- «abusé» (vers 1599) : «trompé».
- «adresse» (vers 997, 1321) : «habileté» ; le mot n'a rien de péjoratif.
- «adultère» (vers 1037) : «personne qui commet l’adultère».
- «aimable» (vers 1493) : sens étymologique : «digne d'être aimé».
- «alarmes» (vers 1249) : «inquiétudes», «soucis», «terreurs».
- «alarmer» (vers 1596) : «épouvanter».
- «amant[e]» (vers 21, 413, 658) : «celui (celle) qui aime et qui est aim逻.
- «âme» (vers 770) : «souffle de vie» (latin «anima»).
- «à peine» (vers 1054) : «avec peine».
- «s’armer» (vers 578) : «se préparer».
- «assembler nos débris» (vers 1368) : «réunir ce qui nous reste».
- «asservir» (vers 535, 1123) : sens fort : «réduire en esclavage».
- «assurer» (vers 1334) : «mettre en sécurité».
- «attentat» (vers 1439) : «violence contraire aux lois morales».
- «attester» (vers 1403) : «prendreà témoin» (du latin «testari»).
- «audace» (vers 1209) : «indifférence à l’amour».
- «au défaut de» (vers 710) : «à la place de», «au lieu de».
- «au moment que» (vers 673) : «au moment où».
- «austère» (vers 766) : «sévère».
- «avant que de» (vers 463) : tournure habituelle au XVIIe siècle : «avant de».
- «avare» (vers 626) : «avide».
- «aventure» (vers 379) : «ce qui advient par hasard».
- «avis» (vers 1195) : «nouvelle».
- «balancer» (vers 479, 1372) : «hésiter».
- «borner» (vers 466) : «mettre un terme à».
- «bruit» (vers 407, 943) : «réputation», «renommée».
- «caractère» (vers 1038) : «marque», «signe».
- «cependant» (vers 569) : «pendant ce temps».
- «chagrin» (vers 294) : «méchanceté», «hostilité» - (vers 1111) : «sentiments austères».
- «chaleur» (vers 316) : «vie».
- «charme» (vers 190, 391, 523, 689, 1231) : sens fort : «attrait magique», «influence mystérieuse et surnaturelle», «enchantement», «puissance de séduction» - «charmante» (vers 137, 639, 657) : style galant : «qui exerce une attraction surnaturelle», «qui ensorcelle», «qui a quelque chose de maléfique».
- «chers» (vers 1622) : «précieux».
- «combler» (vers 1085) : «mettre le comble à».
- «commettre» (vers 905) : «compromettre».
- «confier» (vers 1351) : «avoir confiance en».
- «confondu» (vers 814) : «couvert de honte».
- «se confondre» (vers 410) : «demeurer interdit».
- «confus» (vers 1607) : «plein de trouble».
- «se consumer» (vers 1537) : «s’épuiser».
- «coup de foudre» (vers 1195) : «nouvelle qui frappe comme un coup de tonnerre».
- «courage» (vers 123, 292, 357, 413, 449, 862, 1417) : «disposition de l’âme avec laquelle elle se porte à entreprendre ou à repousser ou à souffrir quelque chose» (‘’Dictionnaire de l’Académie française’’).
- «course» (vers 734) : «voyage», «périple».
- «coursiers» (vers 552, 1503) : terme noble pour «chevaux».
- «craindre» (vers 1595) : «trembler».
- «crime» (vers 219, 307) : au sens étymologique, «faute».
- «d’abord» (vers 654) : «tout de suite».
- «décevant» (vers 523) : «enjôleur».
- «déclaré» (vers 601, 722) : «ayant pris ouvertement parti».
- «découvrir» (vers 1628) : «révéler».
- «degré» (vers 1096) : «étape».
- «déplorable» (vers 257, 529, 1014) : «qui mérite des pleurs», «digne d'être plaint», «dont le sort mérite des pleurs».
- «déposer» (vers 872) : «témoigner» , «faire une déposition».
- «dépouilles» (vers 1558) : sens très large : «les restes».
- «se dérober» (vers 1380) : «s’enfuir».
- «désabusé» (vers 1563) : «détrompé».
- «détester» (vers 1589) : «maudire» (latin «detestari»).
- «développer» (vers 651) : «débrouiller».
- «discours» (vers 380, 865, 988, 1427) : «paroles», «récits».
- «disgrâce» (vers 482) : sens propre : «refus des faveurs qui sont dues».
- «disposer de» (vers 812) : «décider de».
- «éblouir» (vers 1453) : «étourdir», «aveugler».
- «écarter des personnes» (vers 1255) : «les éloigner l’une de l’autre», «les séparer».
- «éclaircir quelqu’un» (vers 1339, 1647) : «révéler la vérité», «informer», «détromper».
- «faire éclater» (vers 1107) : «manifester avec éclat».
- «élancé» (vers 831) : «lancé»
- «embarras incertain» (vers 651) : «nœuds inextricables», «enchevêtrement difficile à démêler».
- «embarrassé» (vers 1544) : «empêtré», «entravé».
- «embrasser» (vers 244) : «entourer de ses bras» - (vers 1371) : «saisir».
- «embrasser la conduite» (vers 758) : «se consacrer à».
- «empire» (vers 221, 761) : «pouvoir», «maîtrise», «domination» (du latin «imperium»).
- «emploi» (vers 1591) : «mission», «tâche».
- «empressements» (vers 916) : «témoignages d’affection».
- «enchanté» (vers 437) : «soumis au charme, à l’attraction irrésistible».
- «encor» (vers 1494) : «aussi».
- «enfin» (vers 538, 1095) : «à la fin», «finalement».
- «engagé» (vers 1163) : «obligé», «poussé», «amené».
- «s’émouvoir» (vers 1523) : «se metttre à trembler» (sens étymologique).
- «ennemie» (vers 49, 272) : sens figuré dans le langage de la galanterie : «qui met en danger la quiétude de l’âme en la menaçant de la passion».
 - «ennui» (vers 255, 459, 1091) : sens très fort : «tourment de l’âme», «violent désespoir».
- «entendu» (vers 831) : «compris».
- «envier» (vers 708) : «refuser», «ne pas accorder».
- «éperdu» (vers 954) : «troublé par la crainte».
- «s’éprouver» (vers 541) : «se mettre à l’épreuve».
- «essai» (vers 1230) : «première expérience», «aperçu», «avant-goût».
- «essayer» (vers 120) : «faire l’expérience».
- «éternel» (vers 147, 295) : «qui ne cesse jamais» ; le mot n’avait rien de familier au XVIIe siècle.
- «éterniser» (vers 951) : «rendre éternel par la renommée».
- «étonner» (vers 451, 1457) : sens fort : «frapper de stupeur» - «ébranler l’esprit».
- «exciter» (vers 209) : sens du latin «excitare» : «réveiller», «encourager».
- «exposer» (vers 1635) : «dévoiler», «montrer».
- «fâcheux» (vers 580) : «qui vient mal à propos».
- «faible» (vers 697) : «mal assuré».
- «fatal» (vers 249) : «voulu par le destin» - (vers 300) : «malheureux», «voué à la mort».
- «fer» (vers 1009, 1633) : «épée», «poignard».
- «feu» (vers 277, 754, 1194, 1306) : «ardeur», «colère» ; dans le langage de la galanterie : «ardeur amoureuse».
- «fier» (vers 203, 638) : «altier» - (vers 67) : au sens figuré de la langue de la galanterie : «qui refuse l’amour».
- «fierté» (vers 407, 519) : «indifférence à l’amour».
- «flamme» (vers 88, 308, 350, 841, 957) : «amour», «ardeur amoureuse» - (vers 429) : «amoureux».
- «flatter» (vers 739) : «tromper par des louanges illusoires» - «donner de l’espérance». - (vers  1471) : «apaiser».
- «foi» (vers 84, 233, 1043) : «fidélité», «confiance en quelqu’un» - (vers 1620) : «parole»,
«assurance».
- «folle ardeur» (vers 630) : «amour déraisonnable».
- «formidable» (vers 1394, 1509) : «qui inspire la crainte», «effrayant», «terrifiant».
- «fortune» (vers 341) : «situation».
- «foudre» (vers 1497) : «coup du destin».
- «frémissements» (vers 975) : «tremblements de crainte».
- «frivole» (vers 401, 1189) : «trop léger pour qu’on y prête attention», «sans fondement».
- «funeste» (vers 175, 245, 991, 1248, 1483, 1615) : sens étymologique : «qui concerne la mort»,
«qui cause la mort», «qui porte la mort», «qui est marqué du signe de la mort».
- «fureur» (vers 259, 672, 741, 1627) : «mouvement irraisonné», «emportement», «folie»,
«égarement».
- «furieux» (vers 1015) : «rendu fou par sa passion».
- «furtive» (vers 1234) : «cachée», «secrète».
- «gémir» (vers 1634) : «se plaindre de l’injustice».
- «gêne» (vers 1454) : «torture» (c’est la «géhenne» biblique).
- «généreux» (vers 443, 1556) : «de noble race» (du latin «genus»).
- «gloire» (vers 309, 666) : «honneur», «réputation».
- «heureusement» (vers 889) : «par bonheur».
- «homicide» (vers 469, 1434) : le mot était adjectif aussi au XVIIe siècle.
- «honteux» (vers 694) : «qui me couvre de honte».
- «horrible» (vers 751) : «digne d’horreur».
- «hymen» (vers 110, 270, 612, 1392) : «mariage».
- «importun» (vers 611, 1135) : «qui pèse de façon continue», «fâcheux» par sa répétition même.
- «imposture» (vers 1186, 1270) : «action de tromper en se faisant passer pour une autre»,
«mensonge».
- «incertaine» (vers 1470) : «égarée».
- «injuste» (vers 1295) : «injustifié», «sans raison». - (vers 1617) : «qui ne rendrait pas justice à I'innocent».
- «insolent» (vers 910) : «fier et dédaigneux».
- «intelligence» (vers 984) : «relation secrète entre des personnes».
- «irriter» (vers 453) : «donner de l’ardeur, de l’impatience».
- «juste» (vers 870) : «bien fondé».
- -«justifier» (vers 1352) : «rendre justice».
- «licence» (vers 1237) : «liberté» sans idée d’excès ni de dérèglement moral.
- «lumières» (vers 1602) : «éclaircissements».
- «maison» (vers 424) : «famille».
- «matière» (vers 1601) : «cause», «sujet».
- «méconnaître» (vers 1570) : «ne pas reconnaître».
- «mépris» (vers 435) : au pluriel dans le langage de la galanterie : «indifférence».
- «misère» (vers 289) : «malheur».
- «misérable» (vers 258, 1273) : «malheureux», «digne de pitié».
- «mémoire» (vers 950, 1646) : «souvenir».
- «neveux» (vers 426) : le mot est pris au sens large : «descendants».
- «noir» (vers 310) : «monstrueux».
- «objet» (vers 636) : «toute autre personne» (pour le sujet que nous sommes) et, spécialement, en langage galant, la «personne aimée» (vers 1117) - (vers 1569, 1578) : «spectacle».
- «s’occuper» (vers 947) : «s'employer», «s’exercer».
- «odieux» (vers 152, 594, 685, 699, 779, 1431, 1602) : «digne de haine», «qui fait horreur».
- «offenser» (vers 247) : «faire souffrir».
- «s’offrir» (vers 599) : «s’exposer».
- «ombrages» (vers 613) : «jalousie», «inquiétude» ; l’expression n’est demeurée qu’au singulier.
- «on» (vers 458) : dans le langage de la galanterie, la personne aimée.
- «ordinaire» (vers 350) : «dans l’ordre des choses».
- «pâmé» (vers 1586) : «évanoui».
- «parfait» (vers 816) : «accompli».
- «parjure» (vers 1394) : «celui qui commet un parjure».
- «passer» (vers 1262) : «dépasser».
- «payer de» (vers 1616) : «compenser».
- «pénible» (vers 1294) : «comblé de peines».
- «perdre» (vers 1259) : «faire périr».
- «perfidies» (vers 849) : sens étymologique : «infidélités».
- «persécuté de» (vers 1607) : «poursuivi par».
- «persécuteur» (vers 940) : «celui qui pourchasse» (le mot n’a pas un sens péjoratif).
- «plaindre» (vers 399, 1144) : «témoigner de la pitié pour», «regretter», «déplorer».
- «plaintif» (vers 1565) : «malheureux».
- «port» (vers 641) : «façon de se tenir», «maintien», «allure».
- «poudreux» (vers 1540) : «couvert de poussière», «poudre» étant le terme noble pour «poussière».
- «poursuivre» (vers 278) : «persécuter».
- «pousser à» (vers 1529) : «s’élancer vers».
- «prendre la querelle de quelqu’un» (vers 1365) : «prendre parti pour lui».
- «prendre les voix» (vers 723) : «demander l’avis de tous», «les faire voter».
- «présence» (vers 409) : «aspect», «attitude».
- «pressant» (vers 229) : «qui accable».
- «prétendre» (vers 1267) : «tendre vers».
- «principe» (vers 1115) : «origine», «cause», «motif», «explication».
- «profane» (vers 1037, 1113, 1624) : «sacrilège».
- «pudeur» (vers 642-1449) : «réserve», «discrétion», «modestie».
- «quand» (vers 1495) : «au moment où».
- «race» (vers 1170) : «progéniture».
- «recevoir» (vers 1437) : «accepter».
- «réciter» (vers 405) : «raconter».
- «reliques» (vers 1554) : «restes d’une personne morte», sans aucune nuance religieuse.
- «respirer» (vers 745) : «souhaiter avec ardeur».
- «retarder» (vers 932) : «empêcher de partir».
- «retraite» (vers 650) : «refuge» - (vers 1361) : «départ», «fuite».
- «révoquer» (vers 1336) : «annuler».
- «sang» (vers 256, 680, 862, 1151, 1260, 1288) : «famille».
- «sauvage» (vers 129, 521) : «fuyant la société des êtres humains», le mot n’ayant pas un sens péjoratif.
- «séduire» (vers 682, 1233) : sens étymologique : «tromper», «égarer», «induire en erreur».
- «sensible» (vers 1203) : dans le langage de la galanterie : «amoureux».
- «sexe» (vers 789) : mot habituel au XVIIe siècle pour désigner les femmes.
- «soin» (vers 432, 617, 657, 687, 1386, 1491) : «souci», «préoccupations», «inquiétudes» - (vers 657) : «attention», «marque d’attachement» - (vers 687) : «tentatives», «efforts».
- «sort» (vers 464) : «situation».
- «soudain» (vers 1560) : «aussitôt».
- «soupirer» (vers 1555) : «pousser des gémissements».
- «soupirer pour quelqu’un» (vers 428) : langage de la galanterie : «l’aimer».
- «superbe» (vers 58, 127, 272- 776, 1503) : «orgueilleux», «hautain», «altier» - (vers 488) : «injuste et humiliant».
- «supplice» (vers 708, 1320) : «mort violente».
- «teint» (vers 1464) : «visage».
- «tourment» (vers 1226) : «torture».
- «tout d’un coup» (vers 1086) : «d’un seul coup», «en même temps», «à la fois».
- «trahir» (vers 515) : «aller contre les intérêts de quelqu’un».
- «traînant» (vers 639) : «entraînant».
- «trait» (vers 540, 816) : «flèche».
- «transir» (vers 276) : «être saisi de froid».
- «transport» (vers 1183, 1227, 1263, 1462) : «émotion violente», «colère», «exaltation».
- «tributaire de» (vers 573) : «soumise à» («qui paie tribut à»).
- «triste» (vers 861, 897) : «objet de tristesse», «digne de pitié», «fâcheux», «déplorable».
- «troubler» (vers 617, 999) : «tourmenter», «contrarier».
- «vain» (vers 158, 248, 825) : «sans valeur», «sans utilité», «sans espoir».
- «victimes» (vers 281) : «animaux immolés aux dieux».
- «vif» (vers 304) : «vivant».
- «violence» (vers 237) : «force».


Si, à l’époque classique, le lexique était pauvre mais constitué des mots à la fois les plus simples et les plus précis du monde, si ce fut le cas en particulier dans l’œuvre de Racine, il reste que, dans ‘’Phèdre’’, l'ampleur de sa vision anthropologique, cosmique et mythologique se traduisit par une richesse plus grande, qui annonçait celle qu’on allait trouver dans ses tragédies sacrées, ‘’Esther’’ et ‘’Athalie’’.

Il y a moins de termes fonctionnels qu'auparavant, et plus de noms, d'adjectifs et d'adverbes, c'est-à- dire une plus grande présence, une meilleure figuration et caractérisation des thèmes. Sont particulièrement fréquents les termes qui expriment :

- la loi morale : «loi», «légitime», «juste» et «injuste» ;
- la pureté : «chaste», «innocent», «noble», «pudeur», «pudique» (le seul emploi de toute l’œuvre),
«pur», «pureté» ; ou son contraire :«impur» ;
- la culpabilité : «coupable», «crime», «criminel», «inceste», «incestueux» ;
- la volonté de purgation, le verbe «purger», qui n'apparaît pas ailleurs, étant employé trois fois ;
- la passion, exprimée par des mots qui, tout en la réprouvant, lui donnent présence, vigueur et même séduction :  «audacieux»,  «altier»,  «brûler»,  «dompter»,  «effronté»,  «farouche»,  «feu», «flamme», «fléchir», «hautain», «imprudence», «imprudent», «indomptable», «indompté», «indocile», «insolent», «joug», «oser», «rebelle», «sauvage», «séditieux», «superbe», «téméraire» ;
- la mort, envisagée ou racontée, «mortel» revenant quatorze fois (contre deux en moyenne auparavant, treize dans ‘’Esther’’ et trois dans ‘’Athalie’’ ;
- l’effroi religieux et la dénonciation de I'audace rebelle, les mots «formidable», «horreur» (au singulier), «redoutable», «terreur», «terrible», «inévitable», «impitoyable», «implacable», «insensible», «inexorable», «sacré», «profane», «profaner».


Dans cette pièce à la fois plus physique et plus spirituelle que les précédentes, les mots concrets à valeur symbolique sont particulièrement fréquents, comme ils commençaient à l'être dans ‘’lphigénie’’ et comme ils allaient l’être dans les tragédies sacrées. On trouve ici I'unique emploi chez Racine de mots  tels  que  «bondissant»,  «caverne»,  «corne»,  «crin»,  «croupe»,  «dos»,  «dragon», «écaille», «fracasser», «gueule», «mors», «mugir», «plaie», «repli», «rouge», «sillon», «tortueux», «tressaillir», «voûte»,  etc.  ;  le  tiers  des  emplois  des  mots  «bois»,  «corps»,  «couleur»,  «crier»,  «dompter», «étouffer», «face», «frein», «pâlir», «prison», etc. ; la moitié des emplois des mots «char», «épée», «froid», «rocher», «travail», «sexe», «veine». «Forêt», inconnu ailleurs, apparaît six fois : c'est le domaine du chasseur Hippolyte, où Phèdre rêve de le rejoindre (vers 176-1236), où elle voit le refuge des  amoureux  (vers  1235).  Il  est  trois  fois  question  (autant  que  partout  ailleurs)  des  sensuels «cheveux», neuf fois des «chevaux» ou «coursiers» (trois emplois ailleurs), dont naguère Hippolyte maîtrisait la pulsion, et qui, au jour du déchaînement des passions, lui échappent et s'affolent, le traînant jusqu'à ce que mort s'ensuive.

La syntaxe :


La phrase de Racine, restant souvent fidèle à des constructions latines, présente :

- des anacoluthes (vers 381-382, 1071-1072) ;
- des accords du verbe avec le sujet le plus rapproché (vers 522, 1230). On remarque aussi des usages propres à la langue du XVIIe siècle :
- l’accord du participe présent : «tremblante» (vers 395, 695, 1215) ;
- l’antéposition du pronom complément : «je te viens voir pour la dernière fois» (vers 172) - «que lui vais-je dire?» (vers 247) - «je ne t’ai pu parler» (vers 698) - «ne se point quitter» (vers 1256) - «Où ma raison se va-t-elle égarer?» (vers 1264).
Racine, usant d’une grande science du rythme, de la cadence, fit se tendre sa phrase, se prolonger, se gonfler sous les poussées de la passion, éclater et se briser dans la colère ou le désespoir, des éclats brefs venant rompre les périodes.

Les styles :


Cette tragédie fait alterner les tendres murmures d'Aricie, les mâles paroles d'Hippolyte et de Thésée, et les éclats déchirants de Phèdre. Peu d'œuvres dramatiques supportent aussi mal le ton déclamatoire qu'affectaient naguère certains tragédiens.

Comme il n'y a jamais trois protagonistes ensemble sur scène, mais souvent un seul avec son confident, les affrontements, les échanges de répliques brèves et agressives sont plus rares qu’ailleurs (sauf dans ‘’Esther’’ et ‘’Bérénice’’), et les aveux et autres discours plus fréquents.

Le rôle de Phèdre est en bonne partie une sorte de récitatif, où elle médite et monologue même en présence d'Oenone (vers 158-180, 249-258, 628-629, 839-868,1641-1644), en particulier sur sa mort et sur sa monstruosité, ce qui équilibre sa transgression diabolique. Son premier aveu est précédé d'une sorte d'incantation inaugurée par un impératif solennel («Lève-toi» [vers 246]) qui n’apparut pas jusque-là et qu’on allait retrouver une fois dans ‘’Esther’’, deux fois dans ‘’Athalie’’.

Parmi les moments les plus forts de la pièce, on relève d’ailleurs plusieurs prières ou invocations :

- de Phèdre au Soleil (vers 169-172), aux dieux (vers 176-178), à Vénus (vers 813-822), à Minos (vers 1285-1289) ;
- de Thésée à Neptune (vers 1065-1076 et 1483-1484).

On voit aussi Oenone se livrer à une lamentation (vers 265-268) qui rappelle les cris du chœur dans  la tragédie antique.

Le texte présente quelques véritables maximes :
- «La mort aux malheureux ne cause point d’effroi.» (vers 859) ;
- «Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes» (vers 1093) ;
- «Quiconque a pu franchir les bornes légitimes / Peut violer enfin les droits les plus sacrés» (vers 1094-1095) ;
- «Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés» (vers 1096) ;
- «Jamais on n’a vu la timide innocence / Passer subitement à l’extrême innocence.» (vers 1097- 1098) ;
- «Un jour seul ne fait point d’un mortel vertueux / Un perfide assassin, un lâche incestueux.» (vers 1099-1100) ;
- «Toujours les scélérats ont recours au parjure.» (vers 1134).


On trouve çà et là quelques réminiscences bibliques : ainsi Phèdre redoute que le sang de l’innocent ne se mette à «crier», comme celui d’Abel dans la ‘’Genèse’’ (vers 1172 ; voir ‘’Athalie’’, vers 89). Certains vers ont été engendrés par des strophes du ‘’Dies irae’’, hymne célèbre de la messe des morts, et déroulent une liturgie funèbre.

Faisant de nombreuses allusions qui recréent une atmosphère archaïque et somptueuse (récits de la geste de Thésée, de sa descente aux Enfers), qui déroulent les fastes de l’imaginaire antique, exploitant le charme de noms propres lourds de visions et de rêves (Pasiphaé, Minos, l’Amazone, le Labyrinthe…), Racine ranima une mythologie qui avait été de plus en plus abandonnée par ses prédécesseurs, et qui était souvent platement décorative chez ses contemporains. Il indiqua bien dans sa préface qu’il avait recouru aux «ornements de la fable [= de la mythologie], qui fournit extrêmement à la poésie».

La poésie :


Racine intégra habilement et souvent améliora des dizaines d'emprunts à des poètes anciens ou modernes, retrouva ainsi les caractéristiques de la poésie des écrivains de la Grèce classique : l’harmonie et la mesure des mots, les tonalités, les cadences, les images, les mythes. enveloppant son habituelle précision analytique d'un ample halo poétique.
Il recourut à :

- des antithèses : «Je l’évitais […] Mes yeux le retrouvaient» (vers 289-290) - «l’ennemi dont j’étais idolâtre» (vers 293) - «Esclave s’il vous perd, et roi si vous vivez.» (vers 344) - «Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas moins» (vers 688) - «Sers ma fureur, Oenone, et non point ma raison» (vers 792) - «Hippolyte est sensible, et ne sent rien pour moi !» (vers 1203) - «Quand je suis tout de feu, d’où vous vient cette glace?» (vers 1374) ;
- des oppositions avec gradation : «C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé» (vers 684) - «Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine» (vers 686) ;
- des chiasmes : celui qui relie les vers 255-256 («mortel»-«sang») aux vers 257-258 («sang»-«je péris») – celui du vers 283, «D’un incurable amour remèdes impuissants», qui mime l'enfermement de Phèdre dans sa passion, tout en redoublant les épithètes au préfixe négatif «in», qui expriment l’inutilité des tentatives pour y échapper – celui du vers 690, «J’ai langui, j’ai séché, dans les feux, dans les larmes», la construction normale étant : «J’ai langui dans les larmes, j’ai séché dans les feux» - celui du vers 1203, «Hippolyte est sensible, et ne sent rien pour moi !», où les mentions des deux protagonistes sont rejetées aux deux extrémités – celui du vers 1245, «Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée» ;
- des oxymorons : «un supplice si doux» (vers 708) - «funeste plaisir» (vers 1248) - «funestes bienfaits» (vers 1483) - «faveurs meurtrières» (vers 1613) - «funeste bonté» (vers 1615) qui expriment la déchirure des êtres ;
- des hyperboles : «Hercule à désarmer coûtait moins qu’Hippolyte» (vers 454) - «Volage adorateur de mille objets» (vers 636) - «fureur» (vers 672) - «Je m'abhorre» (vers 678) - «détestes» (vers 678) - «odieuse» (vers 685) - «inhumaine» (vers 685) - «odieux» (vers 699) - «monstre» (vers 701) - «monstre affreux» (vers 703) - «Délivre l’univers» (vers 701) - «Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée» (vers 1245) - «Je n’osais dans mes pleurs me noyer à loisir» (vers 1247) - «monstre exécrable» (vers 1317) ;
- des hypallages : «amoureuses lois» (vers 59) - «noble poussière» (vers 177) - «fil fatal» (vers 652) - «superbes oreilles» (vers 821) - «un sang plus glorieux» (vers 936) - «noires amours» (vers 1007) - «un sang odieux»  (vers 1260) - «le sang innocent»  (vers 1272) - «homicides mains» (vers 1271) - «bouche impie» (vers 1313) - «l’opprobre de son lit»  (vers 1340) - «langues perfides» (vers 1433) - «mains cruelles» (vers 1485) - «généreux sang» (vers 1556) ;
- des personnifications :
- le «cœur», qui, «Impatient déjà d’expier son offense,

Au devant de ton bras je le sens qui s’avance» (vers 705-706) ; «L’onde […] vomit» (vers 1515) ; «La terre s'en émeut» (vers 1523) ;
- des métaphores dont beaucoup, cependant, étaient conventionnelles dans le langage galant du temps : «ce nouvel orage» (vers 333) - le «fer» qui «moissonna» la famille d’Aricie (vers 425) - «le joug amoureux» (vers 444) - le «captif» qu’est l’amoureux «enchaîné» dans des «fers» (vers 451) - la forteresse qu’est «un cœur de toutes parts ouvert» (vers 448) - le «mal» qu’est la passion (vers 269) - l’«incurable amour» et les «remèdes impuissants» (vers 283) - - les «naufrages» de l’amour dont Hippolyte pensait «toujours du bord contempler les orages» (vers 533-534) - le «poison» qu’est l’amour (vers 676) - «le feu fatal à tout mon sang» que les dieux ont allumé dans les «flancs» de Phèdre (vers 679-680) qui décrit I'amour comme dévorant, destructeur, la même image se retrouvant au vers 690 - «ce tigre» qu’est Hippolyte (vers 1222) - «le nuage odieux» (vers 1431) qui, aux yeux de Thésée, «dérobe sa vertu» (celle d’Hippolyte) - «la plaine liquide» (vers 1513), la «montagne humide» (vers 1514), que sont la mer - l’«indomptable taureau, dragon impétueux» (vers 1519)  qu’est le «monstre sauvage», lui-même une métaphore de la concupiscence irrépressible et meurtrière, rappelant à la fois le serpent ou le dragon du désir, les formes et soubresauts du corps érotique, et le Minotaure, demi-frère monstrueux de Phèdre, né de I'union de Pasiphaé avec un taureau.

On peut même considérer les chevaux, qu'Hippolyte, jusque-là si habile à les dompter, ne maîtrise plus, comme une image des pulsions déchaînées.

Surtout, Racine, faisant intervenir les éléments et les catégories fondamentales, suscita un monde moral où s'affrontent les forces du mal et celles du bien par une figuration d'origine biblique qui est des plus simples et des plus évocatrices : les grandes images de l’ombre et de la lumière, du jour et de la nuit. La lutte entre ces deux principes opposés est inscrite dans l’être même de Phèdre, qui est
«la fille de Minos et de Pasiphaé» (vers 36), celle-ci étant la fille du Soleil (et «Phèdre» signifiant d’ailleurs «la lumineuse») tandis que celui-là est juge aux Enfers. Racine opposa, à l'éclat du soleil sur les terrasses du palais, à la lumière des plages où Hippolyte (qui représente au contraire la transparence [vers 1112 et 1240-1242]) fait courir ses chevaux, Ia nuit des enfers où I'on croit Thésée disparu, la nuit du Labyrinthe où elle s'imagine en héroïne. Elle est décrite par Théramène comme
«Lasse enfin d’elle-même et du jour qui l’éclaire» (vers 46). Elle se plaint constamment :
«Mes yeux sont éblouis du jour que je  revoi» (vers 155),
«Je me cachais au jour, je fuyais la lumière» (vers 1242),
«Au jour que je fuyais c’est toi qui m’as rendue.» (vers 1310),
«Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuage […]
Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté,
Rend au jour, qu’ils souillaient, toute sa pureté.» (vers 1641-1644).
Dénaturée par un désir coupable, elle doit basculer dans la nuit pour «dérober au jour une flamme si noire» (vers 310). La clarté devient dès lors pour elle symbole d'innocence ; le jour est le monde de la pureté, tandis que sa faute cherche I'ombre : elle refuse de sortir du palais, elle a honte de la lumière. Et les derniers mots qu'elle prononce avant de mourir (vers 1644) sont pour célébrer «la clarté», «la pureté» du jour, que «souillaient» ses regards, que sa mort, croit-elle, restituera au monde.

Le vers :


Dans ‘’Phèdre’’ en particulier, Racine montra une versification très élaborée de l’alexandrin (qui, dans toute l’extension de ses pouvoirs, est presque une langue au sein de la langue, qui crée une distanciation).

Il sut jouer habilement d’inversions qui toutefois ne sont souvent qu’une simple gymnastique favorisant la rime : «l’art par Neptune inventé» (vers 131) - «de quel amour blessée» (vers 253) - «un captif de ses fers étonné» (vers 451) - «Et la voile flottait aux vents abandonnée» (vers 798) - «par le fleuve aux dieux même terrible» (vers 1158) - «Et d'un refus cruel l'insupportable injure» (vers 1229) -«Jusqu'au dernier soupir de malheurs poursuivie» (vers 1293) - «d’un père insensé / Le sacrilège voeu» (vers 1315-1316) - «en efforts impuissants leur maître se consume» (vers 1537) - «de pleurs une source éternelle» (vers 1546) - «des dieux triomphe la colère» (vers 1569) Mais elles peuvent aussi produire une attente et un effet de surprise : «du crime affreux dont la honte me suit / Jamais mon triste cœur n’a recueilli le fruit.» (vers 1291-1292).

Il ménagea des enjambements efficaces : «je soutiens la vue / De ce sacré Soleil dont je suis descendue» (vers 1274-1275) - «d'un père insensé / Le sacrilège voeu» (vers 1315-1316) - «et vous en laissez vivre / Un» (vers 1445-1446) - «ses gardes affligés / Imitaient son silence» (vers 1499- 1500) - «une voix formidable / Répond» (vers 1509-1510) - «le monstre bondissant / Vient» (vers 1531-1532) - «sourds à cette fois, / Ils ne connaissent» (vers 1535-1536) - «L’intrépide Hippolyte / Voit voler» (vers 1542-1543) - «Cette image cruelle / Sera pour moi» (vers 1545-1546) - «votre malheureux fils / Traîné par les chevaux» (vers 1547-1548) - «ce héros expiré / N’a laissé» (vers 1567-1568).

Il put couper fortement des vers pour des questions haletantes (vers 1231-1232), pour produire un rythme martelé (vers 1259).

Il joua d’assonances : au vers 284, le son nasal «in» se répercute dans «En vain» et dans «main».

Surtout, il déploya des vers empreints de noblesse, de douceur élégiaque, atteignant même à la poésie pure. Sont fréquemment cités :
- «La fille de Minos et de Pasiphaé» (vers 36), vers qui, selon Bloch, personnage caricaturé par Proust dans ‘’Du côté de chez Swann’’, a «le mérite suprême de ne signifier absolument rien», alors qu’en fait, comme déjà indiqué, il est exceptionnellement lourd de sens car Minos représente la conscience puisque, siégeant dans l’obscurité des Enfers, il est I'un des trois juges à I'entrée de I'au- delà (vers 1280-1288), tandis que Pasiphaé, fille du Soleil («Phèdre» signifiant d’ailleurs «la lumineuse»), représente la concupiscence.
- «Elle meurt dans mes bras d’un mal qu’elle me cache» (vers 146) : vers sans muscle, où l’allitération des «m» quatre fois répétés («meurt», «mes», «mal», «me») vient étouffer, amortir tout éclat et toute vie, exprime une sorte d’essoufflement et de désespoitr chez Oenone, rend la lassitude de Phèdre par une marche amollie.
- «Tout m’afflige et me nuit, et conspire à me nuire» (vers 161), où le retour, de trois pieds en trois pieds, de l'«i», qui est astringent, crée un rythme quaternaire, et redouble le caractère perçant de la plainte ; où le verbe «nuire» est présent à la fin de chacun des hémistiches.
- «Soleil, je te viens voir pour la dernière fois.» (vers 172), où alternent habilement les simples voyelles et les amples diphtongues.
- «Ariane, ma sœur, de quel amour blessée

Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.» (vers 253-254) où ce qui frappe d'emblée dans ces deux vers qui évoquent la souffrance et la rupture, c'est la souplesse et la musicalité de la ligne mélodique, avec peut-être, dans un second temps, comme une nostalgie diffuse dans cette évocation de l'amour et de la mort.
- «Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue» (vers 273), où l’assonance en «i» marque l’acuité des réactions physiques.
- «Et la voile flottait aux vents abandonnée» (vers 798), où, du fait des coupes, des sonorités, l’harmonie poétique est remarquable.
- «Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux» (vers 1240), où alternent habilement les simples voyelles et les amples diphtongues.

Est remarquable surtout le vers «Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon coeur.» (vers 1112), où il faut admirer l’harmonieuse succession de monosyllabes qui sont aussi des mots très simples, ce vers étant considéré comme une des plus belles réussites poétiques de Racine.

On peut même considérer que certains de ces vers, qui n’expriment, en fait, que des platitudes sont sauvés par leur puissance incantatoire. On alla jusqu’à prétendre que, sans la beauté de l’alexandrin, la pièce ne serait qu’un mélodrame.

Racine produisit un chant d’une grande musicalité, qui est parmi les plus beaux du théâtre classique.

Si les poètes de l'école romantique, accoutumés à rechercher les effets les plus grossiers, y restèrent insensibles, s’ils jugèrent son vocabulaire indigent, et pauvres ses rimes, les écrivains du XXe siècle saluèrent ce génie poétique tel qu’il se manifesta dans ‘’Phèdre’’ :
- La comédienne Béatrix Dussane, dans ‘’La comédie sans paradoxe’’ (1933), considéra que : «Le style de ‘’Phèdre’’ est légèrement différent du style des autres pièces […] Des périphrases un peu  plus nombreuses, un peu plus lâches, des élans lyriques plus fréquents […] L’ensemble a quelque chose de moins rigoureux, de moins jaillissant, mais aussi de plus épanoui peut-être, de cet épanouissement qui marque la veille de la lassitude. C’est à peine perceptible, et cependant cela est. Le style de ‘’Phèdre’’, par endroits, est comme une rose qui va commencer à se défaire.»
- André Gide nota dans son ‘’Journal’’ (18 février 1934) : «’’Phèdre’’, que je relis aussitôt après ‘’Iphigénie’’, reste incomparablement plus belle. Auprès de ‘’Phèdre’’ on sent mieux cette sorte d'application qui, en dépit de sa perfection, donne à ‘’Iphigénie’’ le caractère un peu d'un devoir admirablement réussi, mais qui reste extérieur à Racine. Dans ‘’Phèdre’’ soudain je le sens qui se commet lui-même, se livre et m'engage avec lui. Quels vers ! Quelles suites de vers ! Y eut-il jamais, dans aucune langue humaine, rien de plus beau?»
- Paul Valéry conclut ainsi une étude publiée dans ‘’Variété V’’ (1944) : «Forme qui accomplit la synthèse de I'art et du naturel, semble ignorer ses chaînes prosodiques dont elle se crée, au contraire, un ornement et comme une draperie sur le nu de la pensée. Toute la discipline de notre grand vers ici conserve et développe une liberté de qualité supérieure, imprime au discours une facilité dont il faut quelque réflexion pour concevoir la science et le travail de transmutations qu’elle a dû coûter.»

Dans ‘’Phèdre’’, qui est sa pièce la plus intensément poétique, qui contient certains des plus beaux vers de la littérature française, l’art de Racine atteignit sa perfection, le plus haut degré de justesse, de charme, d’harmonieuse beauté de la langue française. Il produisit un envoûtement verbal qui ne peut évidemment que se dissoudre dans une traduction.

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