L’histoire du roman

L’histoire du roman


Histoire du roman 


Aux origines : l’épopée


Dans l’Antiquité, le récit épique magnifie les exploits d’un héros en proie à des épreuves formatrices dans le cadre d’épopées, comme L’Odyssée et L’Iliade d’Homère, ou L’Énéide de Virgile, qui sont l’ancêtre du roman.


Au Moyen Âge : de la langue parlée à l’oeuvre écrite


Le nom « roman » désigne la langue parlée par le peuple français, la « lingua romana rustica », en opposition au latin qui est la langue savante parlée par les clercs. Cette langue romane sert à rédiger des récits fictifs et divertissants, ce qui amène à utiliser le mot « roman » pour désigner ce genre de récits, notamment les romans de chevalerie de Chrétien de Troyes comme Yvain ou le chevalier au lion.

Les romans médiévaux racontent des aventures fictives intégrant souvent des épisodes merveilleux et imaginaires, où le personnage est un héros avec des qualités morales et physiques qui doivent s’accomplir à travers des épreuves que le héros doit dépasser, comme dans la chanson de geste, par exemple "La Chanson de Roland " en 1070, récit d’aventures héroïques notamment guerrières.

L’histoire est faite de rebondissements et d’épreuves qui sont pour le héros l’occasion de révéler ou d’affirmer ses qualités et lui permettent de retrouver un équilibre.

Le roman médiéval remplit d’abord une dimension de divertissement, mais il diffuse aussi une vision morale du monde en exaltant des valeurs personnelles et sociales utiles à la cour ou dans le monde.

Un exemple…
• Cette ambition de représenter le monde tout en l’interrogeant, voire en le critiquant, se retrouve dans Le Roman de Renart, oeuvre anonyme des XIIe et XIIIe siècles, qui représente les hommes sous les traits d’animaux se jouant les uns des autres.


Au XVIIe siècle : psychologie et sentiments


Les romans précieux, comme L’Astrée (1607‑1627) d’Honoré d’Urfé, et les romans classiques, comme La Princesse de Clèves (1678) de Madame de La Fayette, valorisent la psychologie et les sentiments des personnages, ce qui enrichit le genre.

Pendant longtemps, le roman ne semble pas être un véritable genre littéraire. Il est peu considéré en raison de son image initiale de littérature populaire, et reste souvent discrédité jusqu’au XVIIIe siècle. Au XVIIe siècle, il est souvent vu comme futile et invraisemblable, art immoral du mensonge qui corrompt les moeurs des lecteurs.

Le premier roman moderne, Don Quichotte de Cervantès (1605), met à l’honneur des personnages en quête d’aventures, dans un quotidien vraisemblable, et questionne l’adéquation entre les valeurs chevaleresques et une société soumise aux impératifs financiers.


Au XVIIIe siècle : le roman de l’individu


Au XVIIIe siècle, le roman diversifie ses formes, mais surtout exalte le personnage en tant qu’individu ayant un caractère propre, des sentiments, des désirs, un destin unique. La narration à la première personne devient donc fréquente, pour souligner l’importance de la subjectivité des personnages, comme dans Manon Lescaut de l’Abbé Prévost (1731).

Jacques le Fataliste, de Denis Diderot (1765‑1784), joue avec la forme et les codes romanesques en entrecroisant diverses trames narratives qui alternent un récit principal, celui du voyage du valet Jacques et de son maître, et de multiples anecdotes ou dialogues. Diderot y joue avec son lecteur en s’adressant à lui, en se moquant de ses attentes, en brisant donc l’illusion romanesque.


Le XIXe siècle : le siècle du roman, en trois étapes


Le XIXe siècle est le siècle par excellence du roman, qui devient enfin un genre sérieux et qui diversifie désormais sa forme. Romantique, réaliste ou naturaliste, le roman s’intéresse pleinement à la psychologie, aux relations sociales, à l’histoire, à la société, bref au réel dans son ensemble.

• Le roman romantique met l’accent sur les effusions sentimentales, les passions ou les désillusions du personnage, comme dans Atala de François-René de Chateaubriand (1801) qui raconte les amours douloureuses et tragiques de Chactas et Atala ; il propose aussi une réflexion critique sur la société et l’histoire de son temps, comme Victor Hugo dans Les Misérables (1862).

• Dès 1830, le roman réaliste est à l’honneur : destiné à peindre la réalité, il veut rivaliser avec le monde réel en racontant et en décrivant ce qui se passe à l’aide de nombreux détails descriptifs et d’explications documentaires. Cette quête de fidélité au réel se retrouve par exemple dans La Chartreuse de Parme (1839) de Stendhal ou La Comédie humaine d’Honoré de Balzac (1842‑1848).

• Le roman naturaliste met en oeuvre une observation très minutieuse, expérimentale, voire scientifique, de la société et des individus : le quotidien du peuple, les thèmes du corps, des sensations, de la misère, du travail, de l’argent et de l’industrie y sont fréquents.

Les romans d’Émile Zola, comme L’Assommoir (1877) ou Germinal (1885), collectent des faits et des témoignages réels transformés en histoires fictives : le romancier est alors à la fois un historien dressant le portrait de la société française et un chirurgien observant à la loupe le quotidien du peuple.


Le roman au début du XXe siècle, entre imaginaire, psychologie et réalité


Le début du XXe siècle voit la défaite de cette ambition réaliste : beaucoup d’auteurs se tournent vers l’imaginaire ou le merveilleux pour se débarrasser de cette emprise du quotidien et du réel, comme André Breton dans Nadja, en 1928.

D’autres romanciers font le choix du récit psychologique, privilégiant l’intériorité, comme Marcel Proust avec À la recherche du temps perdu (1913‑1927).

Le roman devient aussi le vecteur de contestations sociales surgissant face aux conséquences des guerres mondiales, tout en interrogeant la nature humaine à travers ses actes et ses valeurs, comme dans Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline (1932).


Après la Seconde Guerre mondiale : le nouveau roman


Après la Seconde Guerre mondiale, le roman expérimente de nouvelles techniques, jouant avec les codes romanesques, explorant de nouvelles méthodes narratives : c’est l’ère du Nouveau Roman, qui récuse la fiction du XIXe siècle en supprimant l’épaisseur de l’intrigue, en effaçant les particularités physiques et psychologiques du personnage et en déshumanisant les relations interindividuelles : le travail sur la forme romanesque et sur son renouvellement supplante les aventures fictives, par exemple dans La Modification de Michel Butor (1957).

De nos jours


Depuis la fin du XXe siècle, le roman ne cesse d’explorer de nouvelles voies, de jouer avec les codes génériques, en mêlant autobiographie et fiction, par exemple Fils de Serge Doubrovsky (1977), qui, dans un long monologue intérieur, est le récit de la journée d’un personnage nommé SD, à New York, entre séance de psychanalyse, cours donné à l’université et souvenirs.

Pour définir son autofiction Fils, Serge Doubrovsky dit que c’est une « Fiction, d’événements et de faits strictement réels », car les événements vécus par son personnage SD sont empruntés à sa propre vie et transposés en récit. Les romanciers mêlent volontiers diverses voix narratives ou entrecroisent les intrigues.

Les intrigues se croisant dans Eldorado de Laurent Gaudé (2006), où alternent le récit du départ pour l’Afrique du commandant de bateau italien Salvatore Piracci, décidé à quitter son poste car il a échoué à sauver des embarcations en détresse sur la mer, et le récit du départ de deux frères soudanais, Soleiman et Jamal, qui rêvent de rejoindre l’Europe.
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