Commentaire littéraire de l'extrait du chapitre 1 - Une Vie - Guy de Maupassant
mars 13, 2019
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Extrait du chapitre 1 - Une Vie - Guy de Maupassant
Une vie, premier roman de Maupassant, est publié d’abord en feuilleton en 1883. Maupassant nous annonce dès le titre qu’il va obéir à un principe de simplicité, de banalité même à l’image de la vie de Jeanne. La première page joue un rôle essentiel puisqu’elle propose une sorte de « contrat de lecture » qui met en place les principaux éléments caractéristiques et les règles de la fiction. La première page n’échappe pas à cette nécessité : la narration se fait à la troisième personne avec l’alternance de deux points de vue, correspondant à l’entrée en scène de deux personnages.
Le narrateur n’apparaît pas directement dans le texte selon la convention réaliste du XIXème. Il est anonyme et impersonnel, neutre en apparence. Maupassant suit lui-même sa conception du roman défini en 1888, placé en préface de Pierre et Jean : « Faire vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai. ». L’absence de narrateur sert ce propos ainsi que le changement de point de vue.
Enfin c’est elle qui prend le calendrier. Il nous donne la date de 1819. Elle veut quitter Rouen, elle entend la voix de son père. Les effets du réel sont nombreux : nous percevons la pluie à travers ses yeux, ses oreilles, et sa peau qui sent la « chaleur lourde ». Notre incipit s’organise en deux temps et deux points de vue. Jeanne sert de personnagetémoin dans la première partie, mais dans la seconde, le point de vue a changé, c’est le narrateur qui prend lerelais pour donner l’état civil du père.
b. La focalisation zéro
Le baron Simon-Jacques Le Perthuis est plutôt un type qu’un individu : il s’identifie à la noblesse normande àlaquelle Maupassant appartient lui-même. Ce n’est pas Jeanne qui voit son père, mais un narrateur omniscient quiest à la fois extérieur et intérieur et se permet de le juger. « Homme de théorie, il méditait tout un pland’éducation pour sa fille » (intérieur). Il s’identifie à une classe sociale et à une époque (gentilhomme de l’autresiècle). Il s’agit pour le narrateur de donner une vision synthétique, une analyse théorique et lucide d’unegénération. Aux deux parties de l’incipit correspondent deux points de vue mais aussi deux personnages mis envaleur l’un par l’autre.
II. Deux personnages
1. JeanneJeanne est d’abord prénommée, c’est elle qui sera l’héroïne, c’est à elle que nous nous identifions par lafocalisation interne. Son état civil ne nous sera donné que par rapport à son père. Nous n’avons pas de descriptionphysique mais un portrait psychologique et une histoire.
a. Une psychologieUne jeune fille hyper sensible, impatiente, enthousiaste, rêveuse et très naïve. Nous sommes aussi avec Jeannettedans l’intimité de la jeune fille de 17 ans, traitée comme une enfant par son père.
b. Une histoire, une éducationElle sort du sacré coeur où son père « l’avait tenue […] sévèrement enfermée, cloîtrée, ignorée et ignorante deschoses humaines ». Et cela depuis sa 12ème année. Elle a l’éducation qui correspond à celle d’une jeune fille del’aristocratie normande avec une éducation religieuse formée selon les conventions de l’époque et de son milieu.Elle est aimée de ses parents, sa mère pleur à leur séparation et son père « voulait la faire heureuse, droite ettendre ». Leur relation est affectueuse, sans cérémonie. Le portrait de Jeanne se dessine d’abord de l’intérieur,puis à travers son éducation et sa famille. Les portraits du père et de la fille s’éclairent l’un l’autre.
2. Le baron Le Perthuis des VaudsOn attend un portrait physique du père vu par la fille mais Maupassant change de point de vue et nous présente lebaron à distance en évitant la « photographie banale de la vie » pour nous donner la vision plus complète, plussaisissante, plus probante que la réalité même. Il évite tous les détails inutiles, il présente le condensé d’unegénération, d’un milieu, d’un type en individualisant peu à peu. C’est le procédé inverse que celui adopté pourJeanne qui est d’abord un individu unique puis peu à peu une jeune fille typique de l’aristocratie.
a. Son histoire, son milieu« un gentilhomme de l’autre siècle », prisonnier du passé, et mal préparé au bouleversement du nouveau siècle,avec une conscience politique réduite. Disciple enthousiaste de J.J. Rousseau, « il exécrait la tyrannie d’une haineinoffensive et déclamatoire ». Les jugements du narrateur sont perceptibles ici. Le baron médite une éducationparfaite pour sa fille mais à part l’enfermer dans un couvent, il nous montre des théories vagues, inquiétantes,contradictoires (cf. l’oxymore « bain de poésie raisonnable »). Ses conceptions sont biens vagues, sans lucidité,plutôt liées à un rêve d’un monde idyllique, plein d’illusions : « les lois sereines de la vie », « des tendressessimples des animaux ».
b. Un tempérament, un caractèreManiaque et bon, sa bonté est mise en cause de même le sérieux de sa pensée. Plus grave, l’analyse de sa bontéest développée dans tout un paragraphe, mais les jugements du narrateur une faiblesse, presque un vice.
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